Revue d’hiver : coup de gueule No Billag

Publié: 3 février 2018 dans Revue de presse

Alors cette semaine, on va changer un petit peu le format habituel : la première moitié sera classique, la seconde parlera de l’argumentaire No Billag, parce que c’est vraiment des conneries. Je sais que je passe mon temps à me plaindre des politiciens, notamment du fait qu’ils ne peuvent plus finir une phrase sans se mettre à pleurnicher, mais cette initiative démontre que même lorsqu’ils prennent le temps d’étayer leurs propos, c’est, au final, pour pleurnicher.

International

Parents, lorsque vous séquestrez vos treize enfants pendant une dizaine d’années, que vous les enchaînez, les brutalisez et les affamez, que vous leur autorisez une douche par année, qu’ils n’ont même pas assez de longueur de corde pour aller aux toilettes, qu’il leur faut deux ans pour planifier puis mener à bien une évasion, et que parmi les milliards de chefs d’accusation à votre encontre figure « acte obscène sur une enfant » à cause de la façon dont elle était ligotée, ce qui pousse l’imagination au suicide, ça ne sert vraiment à rien de plaider non coupable.

Tout comme ça ne sert à rien de faire autant d’enfants si on les hait à ce point.

Les chercheurs qui ont établi l’analyse ADN de la momie retrouvée dans une église bâloise sont bien aimables de nous avoir annoncé sa parenté avec le ministre britannique Boris Johnson, mais on avait remarqué :

Boris Johnson, à gauche sur la photo, est connu pour être aussi sec à l’intérieur que son aïeul l’est à l’extérieur.

Une nouvelle surprenante qui, d’une part, nous prouve que l’ancien maire de Londres est bien originaire de cette planète et, d’autre part, nous fait réaliser que la malédiction de la momie n’est peut-être pas qu’un mythe.

En France, les personnes qui en sont venues aux mains pour profiter de la promotion d’Intermarché, qui appliquait une baisse de prix massive sur des pots tout aussi massifs (950 grammes) de Nutella, vont bientôt apprendre une réalité douloureuse sur ce produit : il vieillit très mal.

Que l’on parle du pain où de ce qu’on tartine dessus, les Français ne rigolent pas avec le prix.

Quant aux responsables de la chaîne, lesquels ont remis le couvert avec cette fois-ci une promo sur les Pampers, ils doivent admettre qu’à ce stade, ils cherchent juste à déclencher des bagarres entre parents pauvres.

National

Lorsque les journaux suisses publient des articles expliquant que certains villages valaisans sont coupés du monde, ils devraient préciser dans leurs titres que c’est à cause de la neige, sinon on ne sait pas pourquoi ils en parlent.

Il est toujours important qu’un titre soit clair et précis.

Maintenant que Johann Schneider-Ammann, ministre de l’économie et roi de la punchline, a déclaré très sérieusement qu’il répondra « la Suisse en deuxième » au « America First » de Donald Trump, il doit réaliser que ce qu’il considère probablement comme une remarque très pertinente est depuis longtemps déjà un gag récurrent largement exploité de par le globe.

Cela dit, lui a au moins un vrai point commun avec le président américain : leurs discours partagent cette tendance à être involontairement hilarants.

Gastronomie

On sait que la loi suisse a changé et que désormais, il faudra assommer les homards avant de les plonger dans l’eau bouillante, afin d’éviter à ces bêtes dépourvues ou presque de système nerveux de souffrir dans la marmite.

Créant ainsi toute une niche de marché pour les gourdins à homards, que je propose de nommer « assomards ».

Une question subsiste néanmoins : lorsqu’on trouve en Suisse, soit un pays plutôt éloigné de tout bord de mer, des gens désireux de manger du homard, pourquoi est-ce le homard qu’il faut assommer ?

Économie

Maintenant que Apple a dû payer 13 milliards d’euros d’impôts en Irlande et s’apprête à en aligner le triple aux USA, les libéraux d’Europe et d’ailleurs doivent manifester leur solidarité envers le géant de l’électronique hors de prix en brandissant des panneaux « Je suis Apple ».

Maudite tendance bien-pensante, qui exige que les sociétés paient des impôts alors qu’elles gagnent pourtant beaucoup d’argent !

Sports

On a déjà dit bien des choses sur Roger Federer, mais si, dans sa lutte contre ces autres géants que sont Djokovic et Nadal, il y a une chose qu’on n’avait pas vue venir, c’est qu’il leur survive.

Communication

Lorsque Nicolas Jutzet, promoteur de No Billag, se plaint du fait que son initiative fait face à « une classe politique qui adopte un discours complètement démagogique », il doit réaliser que son argumentaire contenait 46 pu**ins de fois l’adjectif « coercitive » devant le terme « redevance Billag » et qu’à ce titre, il est mal placé pour dénoncer la démagogie.

À sa décharge, il a tout de même retouché le texte, après que, je suppose, un adulte lui ait fait remarquer que la communication politique devait quand même être un poil plus subtile que ça. Quoi qu’il en soit, les initiants reviennent constamment sur deux choses : la première, c’est que la qualité de l’information ne sera pas lésée par une privatisation du secteur. La seconde, c’est que leurs opposants sont des démagogues de gauche qui font appel à la propagande pour contrer leur texte. Avec ceci en tête, intéressons-nous à leurs principaux arguments et voyons ce qu’on en retire sur leur vision de la propagande et de la qualité de l’information.

Alors pour remettre les choses dans leur contexte, et là je m’adresse à vous, lecteurs pas suisses, une initiative, c’est comme une pétition qui ne ferait pas rire ceux à qui elle s’adresse, parce que si elle récolte suffisamment de soutien, un scrutin populaire est organisé. Quant à l’initiative « No Billag » en elle-même, son but est de retirer tout financement public des chaînes de radio télévision, afin de privatiser le secteur. Elle a été lancée par quelques jeunes PLR (droite-fric) et jeunes UDC (droite-fourches&torches). Bon, c’est parti, morceaux choisis :

« Chaque personne connaît ses besoins et préférences mieux qu’autrui et sait, de fait, comment dépenser l’argent qu’elle a durement gagné. »

On commence avec une petite touche prolo en parlant d’« argent durement gagné », pour montrer qu’on est du côté des pauvres. On peut presque entendre le bruit du poing qui tape sur la table. Ce qui n’est pas impossible du reste, l’initiative étant née durant une fin de soirée arrosée.

La Démocratie en marche. (Merci City pour le dessin)

« En forçant tout ménage à payer plus de 450.- CHF chaque année pour une redevance radio et télévision, on porte atteinte à son droit à l’autodétermination. Ce qui entraîne une détérioration de sa qualité de vie. »

On devrait réfléchir à deux fois (ou au moins une) avant de prétendre que chaque citoyen a le droit de dépenser son fric comme il l’entend. Ça ne marche pas comme ça, à cause d’une structure sociétale élaborée régissant chaque individu, qu’on appelle un « pays ».

« Les privilèges accordés par l’État à la SSR font d’elle une entreprise quasi-monopolistique qui possède de bien meilleures armes que la concurrence. (…) La suppression de la coercitive redevance Billag créerait un marché avec une concurrence plus libre, plus juste, au service du client. De manière générale, la concurrence mène à une offre de meilleure qualité et à davantage de diversité. Et ce, à un prix plus bas. »

Ah oui, donc je vous ai laissé la version non retouchée, c’est à dire avant qu’ils suppriment l’expression « coercitive redevance Billag », qu’ils avaient placée à tout va dans leur argumentaire. J’imagine que l’idée était d’opposer l’étouffante mainmise de l’état aux termes purs du texte, comme « libre », « juste » ou encore « diversité », autant de valeurs fondamentales des jeunes PLR et UDC.

Si c’est pas beau toute cette diversité !

Sinon, l’initiative étant née de jeunes de droite, on n’est pas trop surpris d’y trouver ce côté « page 53 du manuel », notamment dans leur définition de la concurrence, cette main invisible et bienfaisante qui œuvre toujours à la sainte satisfaction du client, amen. On pourrait leur dire que c’est plus compliqué que ça, mais ça chagrine les libertariens lorsqu’on attaque leurs valeurs avec des faits concrets.

« La suppression de la coercitive redevance Billag aiderait à atteindre une plus grande liberté des médias. Aujourd’hui, c’est le Conseil Fédéral qui fixe le montant de la redevance et qui fixe les termes de la concession. C’est également lui qui choisit plusieurs membres du conseil d’administration de la SSR. La suppression de la redevance doit encourager les médias à jouer leur rôle de quatrième pouvoir, en analysant de façon critique les faits et gestes des politiciens de notre pays. Sans devoir avoir peur de perdre une partie de leurs revenus. »

Classique. Depuis que les néolibéraux se sont mis à la trumpette, la musique est toujours la même : les méchants médias sont de mèche avec le gouvernement corrompu, et discréditent les honnêtes citoyens qui se dressent face à l’oppresseur en demandant de verrouiller les frontières ou de privatiser l’eau. Si le gouvernement a déjà pratiqué du chantage envers la presse pour la contrôler, je pense que c’est suffisamment sérieux pour se permettre d’avancer un ou deux exemples concrets, plutôt que de lâcher un vague « y font ça » dans l’argumentaire. Et dans tous les cas, même si c’était fondé, placer l’information entre les mains de groupes d’intérêts privés ne ferait au mieux que déplacer le problème.

« La suppression de la redevance permettrait de libérer un pouvoir d’achat de 1.35 milliard de CHF chaque année. Cet apport viendrait apporter un soutien précieux à notre tissu économique. Chaque ménage aurait plus de 450.- CHF supplémentaires à dépenser par année. Cette manne financière permettrait à diverses entreprises, concurrentielles, de gagner des parts de marchés et de créer de l’emploi en répondant aux demandes des clients. »

Là, je crois que le train de pensées de l’auteur a déraillé et s’est vautré, répandant à la suite toutes les utopies libérales : fichtre, le nombre de belles choses qu’on fait avec 450 francs par ménage et par année ! Sommes-nous vraiment si près de créer tous ces emplois et de répondre aux demandes des clients ? Il y a plus de raccourcis dans ce paragraphe que dans un vieux jeu Supermario.

« L’initiative No-Billag ne demande pas la suppression de la SSR – contrairement à ce qui est prétendu de manière malhonnête – mais seulement la suppression de la coercitive redevance Billag. »

Et ils marquent un point : en effet, ce n’est pas une initiative anti-SSR, sinon elle s’appellerait « No SSR », mais juste une initiative anti-financement public de l’audiovisuel, donc elle s’appelle « No Billag ». Sinon ça serait malhonnête.

Enfin bref, j’arrête là, je pense que vous m’avez compris et s’il faut parler du problème, d’autres le font déjà mieux que moi. Mais ce qui me navre, c’est de constater que le financement public de l’information, à savoir un sujet sérieux, a été placé entre la vie et la mort par une bandes de jeunes potes bourrés, balançant comme des parpaings des arguments ineptes et soutenus par des citoyens qui croient que la seule raison d’être de la redevance est de financer l’émission d’Alain Morisod. Le droit d’initiative est une belle chose, mais il se marie mal avec une société qui ne prend pas le temps de s’informer.

commentaires
  1. chayann dit :

    Que voulez-vous… Il faut comprendre, Apple à de gros soucis financiers… C’est pas comme s’il n’avait pas une réserve de liquide d’env 200milliards…
    Billet extraordinaire comme toujours!!!

  2. Labo dit :

    S’ils n’arrivent pas à payer, ils peuvent toujours essayer d’organiser un crowdfunding ! Merci !

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