Je l’avoue très humblement, je suis un amoureux des étoiles. C’est pourquoi, une fois la nuit tombée, vous me verrez souvent, pèlerin céleste en quête de contact avec l’infini, assis devant mon ordinateur à regarder des reportages sur Youtube.
Ce que le sujet a de rassurant, c’est qu’on a beau ne rien comprendre, on sait que c’est normal. Après tout, l’astrophysique est une science qui consiste essentiellement à réaliser des découvertes qui anéantissent ce qu’on a laborieusement déduit des précédentes. Une façon comme une autre pour l’Univers de nous rappeler que nous ne sommes pas grand chose.
Car oui, dans le mot astrophysique, la partie « physique » fait autant référence aux lois de l’Univers qu’à la bonne constitution qu’entretiennent les chercheurs en portant régulièrement leurs données et leurs théories jusqu’à la broyeuse à papier à chaque fois qu’un de ces événements incompréhensibles, appelés « spacefucks » par la communauté scientifique – pour peu qu’elle accepte ma suggestion – se déroule quelque part dans l’espace.
à quelques 163’000 années-lumière de notre Voie Lactée se trouve une galaxie naine connue sous le nom de « Large Magellanic Cloud ».
Comme la recherche ne fait pas dans les bonnes manières, elle braque régulièrement ses télescopes sur notre petite voisine afin d’en percer les secrets. Ce qui lui valut, en 1987, d’y découvrir une étoile en train d’entrer en supernova, qu’ils baptisèrent « SN 1987A » parce que ces gens sont des poètes. Pour rappel, une supernova, c’est ce qui arrive lorsqu’une étoile en fin de vie ne trouve plus assez de trucs à fusionner, alors que les étoiles adorent fusionner des trucs, s’énerve et envoie littéralement tout péter. Ensuite de quoi, selon sa taille, sa composition et la vitesse du vent, elle devient généralement une naine blanche, un trou noir ou une étoile à neutrons.
Et c’est justement en étoile à neutrons que SN 1987A est supposée se transformer. Pour la recherche, habituée à devoir observer les supernovas aux confins de l’Univers pour peu qu’elle les détecte à temps, en repérer une sur le point de se produire dans une galaxie voisine est un peu comme assister à un striptease en live après des années de calendriers Pirelli et le jour J, tout le monde est prêt, stylo et calepin à la main, arborant des t-shirts « SN 1987A rocks ! ».
Ainsi, sous les yeux émerveillés des scientifiques, l’étoile à l’agonie entame sont chant du cygne. L’espace d’une fraction de seconde, la lumière qu’elle émet éclipse le reste de la galaxie tandis qu’elle éjecte au loin la matière qui compose sa structure externe à des milliers de kilomètres par secondes. Puis, rien.
Mais vraiment rien du tout : pas d’étoile à neutrons, pas de trou noir, pas de naine blanche, même pas un petit mot d’explication. Que pouic. Si les chercheurs avaient ignoré la supernova et observé la galaxie du jour au lendemain, ils auraient tout simplement remarqué qu’une étoile n’était plus là, comme si elle avait été absorbée par un Super Mario stellaire.
Or, une étoile, ce n’est normalement pas quelque chose qui se perd comme une chaussette après une lessive, on leur connaît même une tendance plutôt tenace à rester là où elles sont ; évidemment, une supernova redistribue certaines cartes, mais quoi qu’il en résulte, il n’y a pas de raison qu’on ne le retrouve pas à l’endroit où se tenait l’astre.
Alors certes, les chercheurs ont bien quelques idées. Certains avancent que SN 1987A aurait pu se transformer en étoile à quarks, qui serait, pour faire court, comme une étoile à neutrons, mais plus dense et plus petite, ce qui la rendrait inobservable (et rendrait les étoiles à neutrons moins badass, nous ne voulons pas ça). D’autres pensent qu’étoile à neutrons il y a, mais qu’on ne peut pas encore la voir à cause d’un dense nuage moléculaire, rémanent de la supernova, entourant l’astre. Une troisième hypothèse envisage l’option d’un petit trou noir, qu’on n’apercevrait pas parce qu’il n’aurait pas de matière proche à absorber, condition nécessaire pour qu’il émette la lumière requise pour qu’on repère ce type d’objets.
Dans tous les cas, le fait que la supernova la plus proche jamais observée avec des moyens modernes soit aussi celle dont on ait le moins appris n’en demeure pas moins une solide tape sur le museau de la recherche.
On a vu un trou blanc (et ça n’existe certainement pas)
On s’est demandé un temps si les trous noirs n’étaient pas reliés à des trous blancs par ce qu’on appellerait des trous de vers, absorbant goulûment la matière dans un coin de l’Univers pour la recracher dans un autre, la plus grande raison allant dans ce sens étant, je cite, « pourquoi pas ? »
Aujourd’hui toutefois, au grand désespoir des auteurs de SF, on doute sérieusement de cette idée, premièrement parce qu’elle n’a aucun sens et ensuite parce que l’existence même des trous blancs serait un bras d’honneur aux lois de la physique telles qu’on les connaît.
Après, je vous avoue que je n’ai pas parfaitement compris pourquoi on a inventé le concept du trou blanc si l’on est à ce point convaincu qu’il n’existe rien de tel, mais je crois que ça a quelque chose à voir avec la théorie de la relativité, qui indique qu’un truc qui va dans un sens peut aller dans un autre, comme par exemple une balançoire, et que si on on applique le principe de la balançoire dans l’espace, ça donne un trou blanc.
Le vrai problème avec les trous blancs, c’est que, comme vous l’avez instinctivement deviné, une singularité émettant constamment de la matière dans l’espace contreviendrait au deuxième principe de la thermodynamique, selon lequel l’entropie globale de l’Univers ne peut que demeurer identique ou augmenter, sinon ça ne va pas du tout. Or, un trou blanc serait grosso modo une machine à diminuer l’entropie. Ça serait comme avoir une broyeuse à bois inversée, dans laquelle vous mettriez des copeaux pour obtenir un arbre.
Donc pour faire court, ça n’existe certainement pas. Ce qui pose un autre problème : à partir du moment où ça n’existe pas, on n’a absolument aucune idée de ce qu’on a détecté le 14 juin 2006, lorsque le satellite Swift de la NASA capta aux confins de l’espace un gigantesque rayon gamma qui n’avait rien à faire là.
Baptisé GRB060614, l’événement dura 102 secondes et se déroula à 1.6 milliards d’années-lumière d’ici, dans la constellation de l’Indien, appelée ainsi pour des raisons qui vont vous sauter aux yeux :
Et à l’heure actuelle, on ne sait toujours pas ce qui a déclenché l’explosion initiale. Or, on parle quand même d’une quantité d’énergie équivalant à un milliard de milliards de fois celle émise par notre bon vieux Soleil, on peut donc supposer que ça n’est pas arrivé tout seul.
Évidemment, l’explication la plus logique impliquerait une supernova, mais aucun événement de la sorte n’a été décelé dans les environs et, si on rejette un œil à la constellation de l’Indien, on soupçonne que si une étoile venait à y manquer, les chercheurs le remarqueraient.
D’autres hypothèses accourent en renfort à grands coups d’étoiles à neutrons, comme toujours lorsque les chercheurs sèchent, impliquant qu’un tel objet aurait pu être absorbé par un trou noir, ou que deux d’entre elles pourraient s’être télescopées, autant d’événements certes aptes à libérer une énergie aberrante, mais dont les rayons gamma en résultant ne durent jamais aussi longtemps.
Et c’est là que le trou blanc se rappelle au bon souvenir des scientifiques ; pour le peu qu’on en sait, un trou blanc libérerait une énergie démente tout en tendant un doigt bien haut aux lois de l’Univers, lequel, en retour, ne tarderait pas à le rappeler à l’ordre. Donc si un trou blanc devait se produire, il ne durerait sans doute que quelques secondes avant de s’effondrer sur lui-même, probablement pour devenir un trou noir.
Donc bien que les chercheurs continuent à douter sérieusement de l’existence des trous blancs, ils admettent dans le même temps que GRBtruc ressemble trait pour trait à l’image qu’ils s’en font, et qu’ils ne peuvent, à l’heure actuelle, pas expliquer le phénomène autrement.
Le grand vide au milieu du vide
Si on adopte un point de vue un peu étriqué, il est vite arrivé de voir en l’espace une infinité de vide absolu constellé d’explosions gigantesques, comme s’il avait été réalisé par Michael Bay. Néanmoins, c’est un peu plus que ça.
Parce que pour peu qu’on prenne de la distance (pas mal de distance), l’Univers devient plus qu’un foutoir géant où des atomes et des machins deviennent des étoiles et des quasars et des planètes et peut-être des trous blancs sous l’effet de la gravité : il devient une structure complexe et organisée, d’apparence spongieuse, ou organique, ou quelque adjectif qui vous passe par la tête en voyant l’image ci-après :
Ceci est une représentation d’une partie de l’Univers telle que la verrait au microscope un chercheur très très grand. On y voit des amas de galaxies et des superamas de galaxies reliés entre eux par des filaments de galaxies, bref, beaucoup de galaxies. Le tracé qu’emprunte tout ce bazar ne doit bien sûr rien au hasard, mais suit à la lettre les lois de la gravité et de l’énergie noire, adoptant une forme et une structure prévisible tandis que l’Univers gagne en volume comme une barbe à papa.
Malgré tout, l’essentiel de sa composition demeure du vide (là aussi, comme une barbe à papa). À peu près 90% de vide, d’après des chiffres avancés un peu au bol par des chercheurs. Sachant cela, on pourrait penser que trouver un endroit vide dans l’espace reviendrait à déceler un lieu mouillé dans l’océan, pourtant la Science en a dégotté un et s’est exclamée « c’est incroyable ! »
Elle venait de découvrir, à 700 millions d’années-lumière de la Terre, le Boötes Void, ou Vide du Bouvier en français, à proximité de la constellation du même nom. D’ailleurs regardez : un bouvier !
Le Vide du Bouvier est une structure sphérique de 250 millions d’années-lumière de diamètre, soit 2’500 fois celui de la Voie Lactée. On parle de 0.27% de la taille de l’Univers observable, c’est incommensurable. En moyenne, on devrait y trouver environ 10’000 galaxies, or celle-ci en contient soixante. Les plus brillants esprits de la Science s’accordent à dire que c’est peu.
C’est même vertigineusement peu. Si la Voie Lactée se trouvait en son centre, on estime qu’on n’aurait pas pris conscience de l’existence d’autres galaxies avant les années 60. Les chercheurs ont trouvé une abysse au milieu du vide et se demandent avec raison quelle horreur lovecraftienne a pu y élire domicile pour que même les étoiles ne veulent pas rester.
L’explication actuellement privilégiée évoque de larges zones de vide qui auraient fusionné au fil des âges, la gravité tirant vers leurs extrémités la matière qu’elles contiennent. Une autre hypothèse, un peu moins prisée, parle d’une civilisation extraterrestre recyclant l’énergie des étoiles en construisant des gros (mais vraiment très gros) panneaux solaires autour d’elles.
Enfin, certains évoquent une sorte de maladie du cosmos, s’étendant dans l’espace en rongeant les galaxies les unes après les autres. Personne n’y croit vraiment, ce qui n’empêche pas les chercheurs d’observer attentivement les étoiles entourant le Vide du Bouvier, des fois qu’elles commenceraient à s’étioler…