Vous avez tous, à un moment où à un autre, eu un contact avec une personne qui s’avéra être particulièrement nulle dans son métier. J’ai travaillé pour un opérateur téléphonique qui mit près d’une semaine à faire fonctionner la ligne de mon bureau ; j’ai connu des départements de communication incapables de rédiger la moindre lettre sans y laisser des fautes ; mon père a attendu en vain un technicien supposé lui installer le téléphone, lequel lui posa un lapin parce qu’une fois devant la porte de son immeuble, il ne parvint pas à lui téléphoner pour lui demander de venir lui ouvrir (en dépit de ses tentatives répétées). Ce sont des exemples parmi bien d’autres et vous en avez aussi.
Mais soyons honnêtes : nous sommes tous cette personne une fois ou l’autre. On craque, c’est comme ça. On n’a pas inventé l’expression « l’erreur est humaine » pour faire plaisir aux gens qui n’en font jamais. Et si la plupart du temps on en est quitte pour une séance gros yeux, une réputation entachée ou un petit licenciement, il existe des circonstances au cours desquelles il ne faut vraiment, mais vraiment pas se louper.
Parce que parmi les couacs que vous pouvez générer dans votre travail, il y a ceux qui sont thématiques, qui dégagent une telle ironie que le plus dur pour vous sera encore de convaincre votre entourage que vous n’avez pas fait exprès.
La musique anti piratage a été piratée
Il y a une dizaine d’années, décision fut prise de lutter contre le piratage afin de faire prendre conscience aux consommateurs que télécharger un film est un crime. Pour ce faire, on décida d’emmerder au maximum ceux qui respectaient encore le commerce – et personne d’autre – en incrustant un interminable message au début de pratiquement chaque DVD. Le clip vidéo « Piracy. It’s a crime » était né.
Le spot se lance depuis lors à chaque fois que vous initiez la lecture d’un DVD et, impossible à zapper, dure à peu près le temps de chercher, trouver et downloader le même film sur Internet. Malgré le facepalm planétaire qu’il engendra, le machin existe encore à ce jour, parce que la lutte contre les téléchargements illégaux mérite bien qu’on lui sacrifie les derniers consommateurs honnêtes.
Mais là où la vidéo se distingue, c’est qu’à aucun moment son éditeur, une société néerlandaise du nom de Brein, ne jugea approprié de payer pour la musique accompagnant son clip, parce que fuck les artistes.
Donc oui, la vidéo supposée protéger les droits des artistes ne sert à rien, agace tout le monde et s‘offre encore le luxe de gruger l’auteur qui y a contribué. Initialement, la musique avait été composée par un dénommé Melchior Rietveldt pour un petit festival de cinéma, ensuite de quoi elle fit le tour du monde sans qu’il n’en ait la moindre idée.
Jusqu’à un jour de 2011 où le bonhomme reconnut sa musique dans le clip précédant un Harry Potter. Ne me demandez pas comment il s’y était pris jusque là pour ignorer la chose, toujours est-il qu’on l’estima floué de plus d’un million d’euros.
Colère, le bon Melchior s’en va taper sur la table et est promptement contacté par une des huiles de la société, un dénommé Jochem Gerrits, qui lui promet pleine compensation. Seule condition : signer pour une maison de disques que, coïncidence, Gerrits dirige, ce qui vaudrait à ce dernier de toucher un tiers de l’argent que Rietveldt obtiendrait en réparation. Classe.
Bien sûr, Melchior refusa l’offre. Par la suite, l’affaire éclata au grand jour, le monde entier fut consterné, Melchior toucha des compensations au compte-gouttes, Gerrits démissionna et plus jamais aucun artiste ne fut floué sur toute la planète.
Deux sous-marins détecteurs de sous-marins entrent en collision
La nuit du 3 au 4 février 2009, le sous-marin français « Le Triomphant » patrouille dans l’immensité de l’Atlantique au cours d’une mission de routine. L’une de ses fonctions premières étant de détecter les autres sous-marins, il est équipé d’une pléthore de sonars dernier-cri et parcourt ainsi l’océan, bipant dans tous les sens, détectant à fond les ballons, lorsqu’un terrible choc lui occasionne d’importants dégâts qui le forcent à regagner la surface au pas de charge.
Une fois à l’air libre, l’équipage prend conscience qu’un autre bâtiment a émergé non loin : le sous-marin britannique Vanguard, dont la fonction est exactement la même que la leur, également remonté ventre à terre après avoir subi de conséquents dommages. Ainsi les deux bâtiments cabossés se font-ils face, leurs équipages s’échangeant de timides coucous embarrassés en se demandant quelle impossibilité statistique ils venaient de réaliser en se télescopant en plein milieu de l’Atlantique.
S’il y a déjà pas mal de conditions à remplir pour que deux objets se percutent en plein océan, le chiffre devient astronomique lorsque vous rajoutez une dimension complète à la surface déjà gigantesque que cela représente. Après, le fait que les appareils aient été spécifiquement équipés pour repérer les submersibles des environs ne fait que rajouter une improbable cerise sur cet invraisemblable gâteau, mais il faut savoir qu’à un ingrédient près, on le dégustait dans le monde entier puisque les deux bâtiments étaient gavés jusqu’à la glotte de têtes nucléaires (seize chacun) (des fois qu’une guerre nécessiterait seize missiles nucléaires). Le choc, survenu à faible allure, ne blessa personne et, surtout, n’endommagea rien qui ne devait surtout pas être endommagé, faute de quoi la facture serait passée de 50 millions d’euros à une planète.
Quant à savoir ce qui s’est passé, et bien on estime que ces engins sont tellement doués pour détecter les sous-marins qu’en appliquant cette même technologie à leurs logiciels de furtivité, ils peuvent passer totalement inaperçus, jusqu’à pouvoir tranquillement s’approcher les uns des autres sans que personne n’en prenne conscience.
Donc bon, on savait déjà que quelques sous-marins nucléaires stratégiquement placés étaient à même de renverser le cours d’une guerre, maintenant on sait qu’ils peuvent tout aussi facilement renverser le cours d’une paix, et que ce n’est qu’une question de temps.
Une agence budgétaire organise un team-building : 800’000 $
Aux États-Unis, La General Services Administration est une agence gouvernementale dont la mission, en gros, consiste à proposer aux citoyens comme à l’État des opportunités d’économies de ressources et d’argent.
Naturellement, ils appliquent aussi cette philosophie d’optimisation à leur personnel, ce qui se traduit par de bons vieux team buildings. Et comment instaurez-vous une dynamique enthousiaste et proactive dans une équipe spécialisée dans les économies de ressources ? En envoyant trois-cents personnes passer cinq jours à Las Vegas ? Non ? Et pourtant !
En octobre 2010, les huiles de la GSA se réunirent dans le « M Resort Spa Casino », un prestigieux hôtel de Henderson, juste au sud de Las Vegas, pour prendre part à une conférence de cinq jours au cours desquels chacun était invité à partager ses idées pour optimiser le rendement général de l’agence.
Et en parlant d’idées, si vous en cherchez une pour dépenser 800 tickets de la façon la moins motivante possible à Las Vegas – un des endroits au monde où il est le plus difficile de dépenser son argent de manière non ludique – eh bien, diantre que le GSA a tout prévu pour vous !
À elle seule, la planification de l’événement coûta plus de 130’000 $, incluant un voyage préalable de cinq responsables pour visiter neuf hôtels, puis un autre voyage préalable, cette fois-ci de quinze personnes, pour revisiter deux des neuf hôtels, ainsi que cinq conférences spéciales tenues hors des locaux du GSA pour discuter de la chose.
Enfin, une fois la conférence entamée, on put complètement se lâcher :
80’000 $ pour les grignotes et les boissons à l’hôtel, incluant des petit-déj’ (vous savez, le truc normalement gratuit) à 44 $ par jour et par personne,
31’000 $ pour une réception annexe (appelée « networking reception », ce qui signifie « réception atrocement coûteuse »),
Encore 30’000 $ pour d’autres dîners et d’autre réceptions,
Un exercice de team building visant à fabriquer des vélos, qui furent ensuite donnés à des enfants (tout en restant par contrat la propriété de l’agence de team building) : 75’000 $,
3’800 $ pour imprimer des t-shirts,
2’800 $ en bouteilles de flotte,
6’300 $ en pièces commémoratives offertes aux participants,
7’000 $ en buffets de sushis,
3’200 $ pour des sessions des participants avec un voyant,
5’600 $ de sauteries diverses à l’hôtel,
8’000 $ pour des albums de photos souvenirs pour les participants.
Etc.
Le coût total dépassa les 820’000 dollars, payés par l’honnête contribuable. Il faut savoir que le GSA ne fit appel qu’à des entreprises externes pour la planification de l’événement – quand bien même l’association dispose de son propre service de team building – et qu’au moment d’examiner les offres, il privilégia surtout celles des copains ; pour ne rien arranger, tout ceci se déroula alors que l’administration Obama cherchait à diminuer les dépenses excessives de l’état, après que des abus datant de l’ère Bush aient été révélés au public.
Résultat, quatre têtes volèrent tandis que la Maison Blanche instaura un compliqué et très coûteux système de surveillance des frais administratifs. Comme ça tout le monde gagne.