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L’art de la vengeance

Publié: 10 novembre 2016 dans Sciences sociales

On dit que la vengeance est un plat qui se mange froid, mais si on veut être plus spécifique, on peut la comparer à un imposant chariot à desserts : c’est tentant de piocher dedans pour conclure un repas au cours duquel on a paradoxalement trop dégusté, mais le plus raisonnable resterait de s’en abstenir complètement.

Déjà parce que ça ne sert pas à grand-chose – ce n’est pas parce que vous avez crevé les pneus de sa voiture que votre ancien chef va vous réengager – mais aussi parce qu’on ne sait pas s’y prendre. On n’a pas la manière.

Dans le film Opération Dragon, Bruce Lee apprend l’identité des responsables de la mort de sa petite sœur, lesquels, incidemment, organisent un tournoi de kung-fu. Le vieux Bruce peut donc obtenir réparation à coups de bourre-pifs ; cela étant, lui-même admettra que les circonstances s’y prêtaient plutôt bien. Ce n’est pas tous les jours que vos ennemis jurés vous défient au kung-fu alors que vous vous appelez Bruce Lee.

Le reste du temps, on n’a rien de vraiment mieux à faire que crever des pneus. Sauf, bien sûr, pour les Bruce Lee de la vengeance :

La Technique des Mille Coups de Fil

De tous les débats houleux qui agitent régulièrement notre société, celui sur l’avortement est probablement l’un des plus légitimes. C’est une question sérieuse, quoi qu’on en pense. Sachant cela, Todd Stave, propriétaire d’une clinique d’avortement aux États-Unis, reconnaît aux protestataires le droit de manifester devant son établissement, admettant même qu’il n’existe pas vraiment de meilleur endroit pour le faire. Todd Stave est très pragmatique.

Je sais ce que c'est : à l'heure où j'écris ces lignes, une cinquantaine de lecteurs mécontents manifestent devant ma fenêtre.

Je sais ce que c’est : à l’heure où j’écris ces lignes, une cinquantaine de lecteurs mécontents manifestent devant ma fenêtre.

Aussi, patients et membres du personnel durent s’habituer à composer avec une petite foule de manifestants pro-life combattant leurs choix de vie en leur distribuant des tracts et en leur chantant Jésus. La coexistence entre ces deux groupes se passait mieux qu’on aurait pu le penser, jusqu’au jour où une petite frange de manifestants se lassa de voir que l’on continuait à pratiquer des avortements dans une litanie continuelle de sutras sataniques malgré toutes leurs pancartes. Aussi décidèrent-ils de pousser la bataille un cran plus loin.

C’est ainsi que Todd Stave et sa famille commencèrent à recevoir des appels téléphoniques en quantité astronomique, jusqu’à plusieurs dizaines par heure, de jour comme de nuit. Certains leur disaient prier pour eux, d’autres les menaçaient de mort violente suivie de damnation éternelle, même que ça sera bien fait. Quelques proches de Todd ne furent pas en reste, notamment un beau-frère dentiste, qui eut la surprise de voir qu’on agitait des pancartes jusque devant son cabinet et qu’on s’en prenait à ses patients.

« Emmerdez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! »

« Emmerdez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! »

Et comme ces braves gens si inquiets pour l’âme de Todd Stave en sont ironiquement eux-mêmes dépourvus, ils allèrent jusqu’à s’en prendre à sa fille, une môme de onze ans, en l’invectivant depuis la rue le jour de la rentrée des classes, brandissant des photos de Todd et de fœtus, ainsi que des informations personnelles sur sa famille.

Il devint urgent pour Stave de trouver une réponse appropriée, tâche rendue plus ardue par le fait que la majorité desdites réponses appropriées à ce genre d’actions sortent largement du cadre légal ; mais il trouva : avec l’aide d’amis à lui, il fonda Voice of Choice.

Le principe est le suivant : si vous vous inscrivez sur le site, vous vous engagez à passer à chaque personne contactant Stave ou un membre de sa famille – ou n’importe qui connaissant les mêmes problèmes que lui et demandant de l’aide – un bref coup de fil, pour le remercier poliment pour ses prières et sa sollicitude.

Et il se trouva que le site connut son petit succès ; bientôt, les harceleurs recevaient la bagatelle de cinq mille coups de fil pour chaque appel qu’ils passaient, certes brefs et polis, mais enfin, cinq mille quand même. Et si le combat dure encore à ce jour, Todd Stave a plus ou moins réglé son problème d’appels téléphoniques.

Si vous vous demandez pourquoi les harceleurs ne passaient pas leurs appels en anonyme, je n'ai pas la réponse exacte, mais c'est probablement parce que la Bible n'explique pas comment paramétrer un téléphone.

Si vous vous demandez pourquoi les harceleurs ne passaient pas leurs appels en anonyme, je n’ai pas la réponse exacte, mais c’est probablement parce que la Bible n’explique pas comment paramétrer un téléphone.

La Position du Cochon Caché

Lorsque l’on demande ce qu’il faut faire des détenus durant leurs séjours en prison, une minorité répond qu’il faut préparer leur retour dans la société tandis que la majorité trouve dégueulasse qu’ils aient une bonne connexion à internet.

Si j'en crois une étude menée au comptoir du Café des Sports.

Si j’en crois une étude menée au comptoir du Café des Sports.

En général, nous cherchons à les réintégrer et c’est une bonne chose. Après, si l’on s’intéresse au taux de récidive, on doit bien admettre que les résultats ne suivent pas toujours. Pourquoi ces criminels, regroupés et forcés à vivre longuement entre eux, coupés de la société, traités en parias et disposant de beaucoup de temps pour se créer leurs réseaux durant leurs séjours à l’ombre, tendent à ne pas rentrer spontanément dans les rangs, nous ne le saurons sans doute jamais.

En fait, quand ils sortent de prison, ils se connectent à internet pour chercher un job, s'écrient « c'est quoi cette connexion de merde ? » et sont découragés.

En fait, quand ils sortent de prison, ils se connectent à internet pour chercher un job, s’écrient « c’est quoi cette connexion de merde ? » et sont découragés.

Ce n’est pas une raison pour baisser les bras ; peut-être que si on leur donne des possibilités de se sentir utiles derrière leurs barreaux en employant leurs compétences pour la communauté, on peut arriver à un résultat gagnant-gagnant. Et c’est ce qu’on fait : les détenus, souvent, effectuent de menus travaux.

Après, évidemment, on évite de leur confier des tâches dans la sécurité, les arsenaux ou les écoles, mais il reste bien assez à faire. Par exemple, aux USA, quelques détenus se sont retrouvés à faire parler leurs talents de graphistes pour la police du Vermont. Ça a donné ça :

Je me demande ce qu'a fait le graphiste de Ben & Jerry's pour être incarcéré.

Je me demande ce qu’a fait le graphiste de Ben & Jerry’s pour être incarcéré.

Comme vous le voyez, le logo dépeint un décor bucolique servant de cadre à une scène où une vache explique à trois créatures extraterrestres que l’une d’elle semble avoir sa tête à l’envers. Toutefois, il se trouve qu’une insulte envers la police fut subtilement ajoutée à cette insulte envers le bon goût. Pour la trouver, il faut savoir qu’en anglais, on emploie le mot « pig » pour désigner la police lorsqu’on n’est pas trop copain avec.

Trouvé ? Il vous a fallu moins de temps qu’à la police du Vermont. Trente voitures de patrouille sillonnèrent le terrain pendant plus d’une année sans que personne ne prenne conscience qu’une insulte subliminale était dissimulée sur le dessin de la vache. Bien que l’enquête officielle soit toujours en cours, on pense qu’un détenu s’est infiltré dans la salle informatique de sa prison et a procédé à quelques retouches au travail en cours pour la police. Pour la petite histoire, il semblerait qu’ils essaient de déterminer le coupable à l’aide du test de Rorschach.

« Un... Un aubois. »

« Un… Un aubois. »

La Danse de la Honte

On peut parler des heures de la façon de punir quelqu’un qui a commis un délit, le fait est que si le type est jeune, vous ne pouvez rien lui faire de pire que nuire à son image. C’est pour ça que je force mes enfants à pratiquer des danses traditionnelles embarrassantes dans des costumes ridicules devant la caméra, et au premier mauvais résultat scolaire, pan, c’est sur Facebook.

Mark Bao, étudiant à l’université Bentley, est parfaitement au clair sur ce concept. Lorsqu’il se fit voler son ordinateur portable, il pratiqua quelque tour de magie dont les informaticiens seuls ont le secret pour accéder à son laptop à distance et, ainsi, prit connaissance de ce que le voleur en faisait. Il ne fut pas déçu.

Il réalisa en effet qu’outre son inclinaison au larcin, son nouvel ami était affublé d’une seconde tare condamnable, à savoir son sens du rythme, chose dont il prit conscience en visionnant quelques vidéos de lui en train de danser devant la webcam.

Or, Bao était du genre rancunier ; il avait pu identifier le voleur par son compte Facebook et détenait toutes les informations nécessaires pour récupérer son bien de manière légale, mais il opta pour une autre méthode : il sélectionna la vidéo qu’il estimait être la pire et la publia sur Youtube, en la nommant « ne vole pas d’ordinateur à une personne qui sait se servir d’un ordinateur ».

L’histoire date de 2011 ; à ce jour, la vidéo a été visionnée plus de deux millions de fois. Le malheureux – et très mauvais danseur – voleur réalisa plusieurs jours après qu’il était devenu une star, restitua le laptop à la police et envoya un mail à Bao pour lui demander très respectueusement de bien vouloir retirer la vidéo, s’il vous plaît.

Malheureusement, on prend goût à la célébrité des autres.

Malheureusement, on prend goût à la célébrité des autres.

Vous pouvez trouver son mail en en-tête de la rubrique, sur une page Reddit où Bao le publia à sa réception. Et comme la vidéo est toujours sur Youtube, je pense qu’on peut tous retenir une bonne leçon de cette histoire : Bao a raison, il ne faut pas voler d’ordinateur à quelqu’un qui sait s’en servir. Si ça devait vous arriver, demandez d’abord à son propriétaire ce qu’il fait dans la vie.

Terre brûlée

Pour ma génération, George Lucas est un peu le type qui nous a offert nos rêves d’enfants, puis qui s’en est servi comme chausse-pied quelques années plus tard. Certains ne s’en sont jamais vraiment remis. Suivant le genre d’endroit où vous êtes, vous avez nettement meilleur temps de lancer une discussion sur l’immigration que sur Star Wars si vous voulez éviter de déclencher une bagarre.

Et vous ne voulez pas mettre les fans en colère.

Et vous ne voulez pas mettre les fans en colère.

Mais croyez-le ou non, George Lucas a contrarié ses propres voisins bien plus encore que les trentenaires barbus qui ont élu domicile au geek-store du coin ; et il convient d’ajouter qu’il a fait montre à cette occasion d’une subtilité qu’on n’aurait pas crue possible venant du type qui a inventé Jar Jar.

L’histoire nous emmène dans le comté de Marin, en Californie, reconnu comme étant l’un des plus riches des États-Unis. Certes, on y trouve des gens fauchés – il faut bien que certains bossent – mais on tend à les voir comme des éoliennes : une énergie renouvelable bon marché, mais bruyante et encombrante, qu’on essaie de regrouper dans des coins discrets.

Aussi, lorsque George Lucas y acheta, en 1978, un vaste terrain pour y fonder ses propres studios, il ne s’y fit pas que des amis ; non pas qu’on avait un problème avec le vieux George – ou n’importe quel Américain appelé George, vraiment – mais la perspective d’un complexe créant de l’emploi et, à ce titre, attirant le genre de créatures qui en avait besoin n’était pas forcément bien perçue.

Sans compter que les lumières des bâtiments menaçaient les – je cite – « sombres nuits étoilées » de l'endroit.

Sans compter que les lumières des bâtiments menaçaient les – je cite – « sombres nuits étoilées » de l’endroit.

Dès lors, et bien que l’on relèvera quand même que beaucoup dans la région accueillaient le projet à bras ouverts, il se trouva passablement de monde pour s’opposer aux constructions. George avait certes pu faire bâtir sa propre résidence, mais il put s’arrondir tous ses autres projets, systématiquement contestés devant la justice.

L’affaire avança à sauts de puce jusqu’en 2012, où le réalisateur annonça à la stupeur générale qu’il abandonnait le combat. Dans un communiqué, il déclara qu’il cédait devant l’opposition et vendait ses terres pour partir poursuivre ses projets sous des cieux plus cléments. Il laissa à ses adversaires le temps de s’échanger quelques high-five, ensuite de quoi il ajouta l’air de rien qu’il avait déjà trouvé preneur pour son terrain : la « Marin Community Foundation », une organisation visant à créer des habitations à loyers modérés.

Inutile de dire qu’il y eut comme un malaise. Ces gens avaient voulu éviter le bar louche de Tatooine, voilà qu’on leur promettait Gotham City. Une habitante révéla vivre depuis dans un état de « terreur absolue » et se sentir « comme en Syrie », tandis qu’à la tête des opposants, on accuse Lucas de chercher à déclencher une guerre des classes.

Du côté de l’intéressé, on botte en touche avec, peut-être, un soupçon d’obséquiosité, arguant que le comté avait un réel besoin d’habitations abordables et qu’il avait simplement cherché à faire un beau geste avant de partir.

Beau je ne sais pas, mais geste il y eut, c'est indéniable.

Beau je ne sais pas, mais geste il y eut, c’est indéniable.

Philosophie Internet

Publié: 31 août 2016 dans Sciences sociales

Il était une fois un petit écureuil qui avait mis des noisettes de côté en prévision de l’hiver. Il en était si content qu’il commença à gonfler tous les animaux de la forêt avec ses foutues noisettes, comme quoi il avait bien raison d’être prévoyant et que les autres étaient des gros harengs de ne pas faire comme lui. Alors un jour, le sage hibou, le pragmatique sanglier, le gentil lapin, le rusé renard et le suffoquant merlu lui firent remarquer que ce qui était important pour lui ne l’était pas nécessairement pour tout le monde, ensuite de quoi le renard mangea le lapin, car il était rusé. Mais l’écureuil ne comprit rien du tout et depuis, il continue de soûler tout le monde. Mais la moitié de la forêt a bloqué ses publications, alors ça va.

Moralité : ce billet parlera des moralités gonflantes qui foisonnent sur internet.

Parce que la philosophie, il faut voir ça comme le fléau d’armes du sage : cela peut s’avérer très pratique pour cueillir à la nuque le Lansquenet de la Guigne lorsqu’il vous cherche des crosses, mais il faut être bien sûr que votre engin tienne la route. Si, au premier mouvement, la chaîne et le boulet tombent au sol, alors ce n’est plus un fléau d’armes du sage, c’est juste un bâton du sage. Et le Lansquenet de la Guigne se rit de votre bâton du sage.

Aussi, je vous propose aujourd’hui de nous pencher sur quelques-uns de ces proverbiaux (depuis peu) bâtons du sage qui pullulent sur nos réseaux sociaux afin qu’ensemble, nous puissions souhaiter les voir quitter le Web au plus vite pour faire de la place à de nouvelles tendances agaçantes.

Alors, heureux ?

Commençons avec une simple question : êtes-vous heureux ? Bof ? Mince alors ! Attendez, j’ai peut-être la solution pour vous :

Vous avez juste mal choisi ; vous seriez surpris du nombre de gens à qui ça arrive.

Vous avez juste mal choisi ; vous seriez surpris du nombre de gens à qui ça arrive.

Ça va mieux ? Pas tant que ça ? Ce n’est pas grave, essayons autre chose :

D'accord, ça marche mieux si on est Audrey Hepburn.

D’accord, ça marche mieux si on est Audrey Hepburn.

Et là ? Toujours pas ? Mais c’est à n’y rien comprendre !

Écoutez, je réalise pleinement que vous êtes en droit de me voir comme l’écureuil de ma métaphore (car oui, c’était une métaphore) : qu’est-ce je viens piétiner une pensée aussi inoffensive et positive avec mes gros sabots ? D’autant qu’elle peut certainement faire beaucoup de bien à quelqu’un qui la lirait au bon moment, par exemple durant une période difficile ou à onze ans. Ce sont parfois des trucs très simples qui nous font décoller. Concrètement, ce que je lui reproche, c’est cette tendance qu’elle a à pousser ceux qu’elle aide à la répandre abondamment autour d’eux, tel un dogme simpliste d’une divinité gentille, mais un peu bête.

Priez Bubbha.

Priez Bubbha.

Résultat, ce type de philosophie foisonne sur internet comme une nuée grouillante de rats béats d’optimisme, accumulant les adeptes tandis que le Lansquenet de la Guigne affûte son espadon en vue de son prochain coucou. Car un jour, fatalement, il va arriver une vraie tuile qui va nécessiter davantage qu’un soupçon de relativisme.

Et c’est là que le bât blesse : qu’est-ce qui vous fait souffrir comme ça, pauvre de vous ? Vous n’arrivez pas à réaliser votre rêve d’avoir des enfants ? Je suis vraiment désolé, je ne sais pas quoi vous dire. Courage. Vous avez perdu votre peigne ? Peut-être alors devriez-vous rejeter un œil aux citations ci-dessus, en effet.

Il est peut-être juste sous vos yeux !

Il est peut-être juste sous vos yeux !

Dans les faits, c’est certainement beaucoup moins bête que ça, mais ça n’en reste pas moins l’image que vous renvoyez en publiant ce genre de morales. Parce que si cette citation vous a permis de sortir de la mélasse, j’en suis certes ravi pour vous, mais l’impression que j’en retire est que votre problème était déjà plus ou moins réglé et que tout ce qu’il vous restait à faire, c’était vous extraire d’un cercle vicieux de négativisme. On est d’accord que ça peut être coton, mais pour notre ami le Lansquenet de la Guigne, ça reste une passe d’échauffement. Allez-vous vraiment dire à un veuf qu’il n’a qu’à choisir d’être heureux ?

Mais là, que vous soyez endeuillé, malade, dépressif, perdu ou juste en proie à un coup de blues, vous êtes tous rangés au même râtelier : le problème est dans votre tête, c’est juste une question d’état d’esprit ; pourtant, ce n’est pas comme ça que le cerveau fonctionne, ou la mélancolie, ou même la vie en général. Et adhérer trop aveuglément à ce genre de principes revient aussi à tourner le dos aux réflexions qui peuvent réellement faire avancer.

La complainte du vieux con

Internet a sa propre version de l’aîné qui agite sa canne et rouspète en voyant passer des jeunes à motos, à savoir une personne de trente à cinquante ans qui ronchonne en voyant que les enfants d’aujourd’hui ont accès à des smartphones et ça donne ça :

Le bon vieux temps, vu par le bon vieux con.

Le bon vieux temps, vu par le bon vieux con.

Je sais bien que je suis loin d’être le premier à venir sur le sujet puisque ce type d’image a été largement parodié. Il n’empêche que cette pensée reste énormément partagée sur la toile par, je suppose, des personnes qui, d’une part, n’ont pas d’enfants et, d’autre part, ont oublié leur jeunesse. Parce que sinon, ils réaliseraient qu’il est possible d’expérimenter tout à la fois les jeux dans la nature et l’utilisation de la technologie au cours d’une enfance.

Whatsapp : « On va jouer dans la rivière cet après-midi ? »

Whatsapp : « On va jouer dans la rivière cet après-midi ? »

Dame, il est même possible de combiner les deux durant la même journée ! Mais pas pour les zélotes qui partagent ce genre d’images : la technologie est un hideux virus qui ronge l’âme de l’enfance et détourne notre jeunesse des saines découvertes qui nous ont fait grandir et nous épanouir. Sauf que bien sûr, ils oublient que la question ne date pas d’hier :

Lucidité.

Lucidité.

Cette question, elle a même un nom depuis peu : la junenoia, cette tendance qu’on a à se croire plus progressistes que les générations nous précédant et plus sages que celles qui nous suivent. Mais là, ça ne découle même pas de la juvenoia, juste du n’importe quoi : quel genre de message véhicule cette citation ?

Technologie : n.f. : ensemble de moyens ou d'outils que la science nous a donnés et qui s'appliquent aux smartphones et aux tablettes, mais pas aux consoles de jeu et à la télévision.

Technologie : n.f. : ensemble de moyens ou d’outils que la science nous a donnés et qui s’appliquent aux smartphones et aux tablettes, mais pas aux consoles de jeu et à la télévision.

Est-ce que la technologie peut nuire à l’enfance ? Bien sûr qu’elle le peut, les parents s’en préoccupent d’ailleurs assez et ont pleinement raison, mais elle peut aussi amener du positif. Contrairement à ce message-là, qui n’amène rien à personne. C’est juste une version mise à jour de « c’était mieux avant ».

Le voyage est la richesse de l’âme, tout ça

On est d’accord : voyager est un très bon moyen de s’ouvrir au monde. Mais de grâce, ne venez pas me dire que c’est le seul. Comme l’autre nouille, là :

Auteur inconnu ? Quelle honteuse injustice !

Auteur inconnu ? Quelle honteuse injustice !

Je ne sais pas, auteur inconnu, as-tu essayé d’acheter un livre ?

« Oui. Livres nuls. Seul compter vent dans les cheveux et terre inconnue sous les pieds. »

« Oui. Livres nuls. Seul compter vent dans les cheveux et terre inconnue sous les pieds. »

Le fait que nous autres occidentaux souffrions d’un problème d’identité est une évidence. La morosité économique et sociale, la précarité du monde du travail, la disparition des repères moraux, idéologiques ou religieux, l’absence de confiance en le système, l’excès de concurrence individuelle, la désinformation ou encore la généralisation des recours aux extrêmes, les raisons de ne pas se retrouver dans notre société sont légion.

En conséquence, il appartient à chacun de chercher à s’épanouir d’une façon qui lui est propre et dès lors, en effet, la découverte d’autres cultures par le biais du voyage est une méthode plus que valable.

D’ailleurs c’est facile à vérifier : la plupart du temps, quand quelqu’un dans votre entourage se tire une longue période parcourir tel ou tel pays avec son sac à dos, il en revient grandi.

Ou alors pas du tout, et à son retour il publie ça :

C'est surtout vrai si par « livre », vous entendez « guide du routard ».

C’est surtout vrai si par « livre », vous entendez « guide du routard ».

Eh oui, ignares ! Si vous ne voyagez pas, vous vous bornez à lire bêtement la même page encore et encore, retournant au début du texte à chaque jour que Dieu fait. Tandis que si vous voyagez, alors là, vous allez enfin savoir ce qui se raconte après cette virgule qui conclut la première page ! Vous allez connaître la suite de l’histoire ! De votre histoire !

À condition bien sûr de considérer que le quotidien de toute personne passant sa vie dans son bled (dont un bon paquet ne voyage pas faute de moyens) se résume à un éternel recommencement sans surprise ni défi. Ce qui est complètement à côté de la plaque, mais ne laissez pas cette citation nuire à la haute estime que vous avez de Saint Augustin, car le bon Père de l’Église ne l’a vraisemblablement jamais prononcée.

Mais c’est vrai que c’est joli ! Et suivant comment vous la prenez, certes, elle n’est pas dénuée d’un certain sens. Contrairement à la démarche de la personne qui l’a partagée sur sa fichue page Facebook, en ajoutant probablement celle-ci par la suite :

Traduction : qui aime voyager ressent parfois le besoin de voyager.

Traduction : qui aime voyager ressent parfois le besoin de voyager.

Encore une fois, je ne prétends pas qu’il n’existe pas un bénéfice réel à retirer d’une telle expérience. Suivant quelles sont vos ambitions, un voyage peut s’avérer être un véritable défi, mais vous savez quoi d’autre est un défi ? Faire carrière. Ou fonder une famille. Ou progresser en tant qu’artiste. Ou se faire décerner une ceinture noire. Ou intégrer un orchestre. Ou courir un marathon. Autant d’expériences tout à fait valables pour se réaliser, mais qui ne sont pas toujours compatibles avec un grand et beau voyage, entre autres pour une triste réalité que la citation suivante, malgré ses louables efforts, ne saurait occulter :

Traduction : voyage pendant que papa et maman peuvent raquer pour ton appartement et tes études.

Traduction : voyage pendant que papa et maman peuvent raquer pour ton appartement et tes études.

Vous connaissez l’auteur de cette phrase ? Moi non plus, personne ne le connaît et c’est normal. Mais ce dont on peut être certain, c’est qu’il n’a jamais eu à faire face à des problèmes financiers. Certes, il est possible de voyager avec un petit budget, mais tout le monde ne peut pas juste « faire que ça marche ».

Ce qui ne veut pas dire que vous ne devriez pas tout plaquer pour voyager si c’est important pour vous, mais épargnez-nous les citations condescendantes à votre retour. Parce que l’impression que ça donne, c’est que tout ce que vous avez retiré de votre expérience, c’est la fierté de l’avoir réalisée.

Ne changez rien, malheureux !

En gros, je pense qu’on peut résumer la plupart des citations évoquées jusqu’ici par ceci : « pensez comme moi, j’ai raison. » Et le problème n’est pas qu’ils ont tort, le problème est qu’ils ont raison, mais n’admettent pas que d’autres peuvent penser différemment tout en ayant aussi raison. Parce que les gens sont, vous savez, différents.

Mais gardez-vous de prendre ce que je viens de dire trop au pied de la lettre, parce que sinon ça donne ça :

Pourquoi ces citations, qui ne sont ostensiblement pas des proverbes, sont-elles toutes répertoriées sur un site appelé « les beaux proverbes » ?

Pourquoi ces citations, qui ne sont ostensiblement pas des proverbes, sont-elles toutes répertoriées sur un site appelé « les beaux proverbes » ?

S’il existe d’innombrables contextes dans lesquels cette pensée peut s’avérer tout à fait pertinente, la dernière chose à faire reste de l’appliquer à absolument tout le monde, ce qui est pourtant ce qui se passe lorsqu’on la partage sur les réseaux sociaux. Je vous laisse prendre une seconde pour imaginer le foutoir que ça serait si tout le monde devait s’obstiner à ne jamais changer pour les autres. Si vous avez de la peine à vous représenter la scène, focalisez-vous sur la moitié de la foutue société moderne, qui agit déjà comme ça. Parfois de manière assez cash :

« D'abord ! »

« D’abord ! »

Bien sûr, un minimum d’estime de soi est important et beaucoup se sont fait du mal en cherchant à devenir ce qu’ils n’étaient pas pour accommoder leur entourage. Mais faut-il pour autant basculer dans l’excès contraire ? Je pense que si vous en êtes à considérer qu’il revient au monde entier de s’accommoder de vos défauts, votre prochaine étape consistera à vous écrire vos propres mots d’amour sur la buée du miroir en sortant de la douche.

Cette citation s’inscrit dans un registre que l’on voit se répandre considérablement depuis quelques temps et qui consiste à revendiquer de la fierté à être ce que l’on est. Et il n’y a pas vraiment de mal à ça, encore que selon moi, si l’on est en quête d’estime de soi, on obtiendra de meilleurs résultats en cherchant à être fier de ce que l’on fait. Tenez, voici une citation qui n’est pas d’accord avec moi :

Signé : les fleurs de l'arrière-plan.

Signé : les fleurs de l’arrière-plan.

Et oui, selon le point de vue, elle peut tomber assez juste ; toutefois, si vous regardez bien la photo en elle-même, vous constaterez qu’on a mis l’accent sur les fleurs, pas la terre sur laquelle elles poussent. Eh bien voici une révélation choc : les gens font pareil avec vous. Évidemment, la personne que l’on est au fond de nous est primordiale, c’est bien sur elle que tout se construit. Mais tout est là, justement : il faut construire.

Et c’est précisément ce que ces citations vous invitent à ne pas faire.

Sexy Cosmo

Publié: 12 Mai 2016 dans Sciences sociales

On ne présente plus Cosmo, revue américaine spécialisée sur la question du couple, publiant continuellement des conseils dont la stricte application vous promet de finir votre soirée quelque part entre le septième ciel et l’hôpital.

J’avais déjà confessé il y a quelques temps ne jamais en avoir ouvert ne serait-ce qu’un seul numéro et, dans la foulée, avais enchaîné avec un billet complet sur tout ce qui n’allait pas dans leurs articles. Assez logiquement, vous en aviez conclu que j’étais une éminence omnisciente mâle juchée sur un trône de Savoir, telle une divinité hindoue à six bras : deux mains sur le clavier, une enserrant une chope, une autre dans le froc, une pour me gratter et une dernière pour taper sur la table.

La réalité est toutefois plus nuancée : Cosmo emploie sans aucun doute des rédactrices très pertinentes, mais je soupçonne que parmi elles se cachent des rescapées de la tribu d’Amazones massacrée par Hercule, et qu’elles veulent se venger des hommes.

Hercule

Je vous avais bien dit que c’était plus nuancé.

Mais rassurons-nous : Cosmo n’existe pas uniquement pour nuire à votre couple, et j’en veux pour preuve que si votre union passe le cap de ces quelques articles-pièges, à peu près tout le reste ne parle plus que de sexe.

Or, le sexe, ce n’est pas comme les tamagotchis, où quelqu’un pourrait légitimement vous demander si ça se pratique encore quelque part sur la planète : ça se pratique, aucun doute là-dessus. Et à ce titre, tout le monde a son avis sur la question, tout le monde y va de sa science ; y-compris et surtout les lecteurs.

Aussi, nous allons aujourd’hui nous pencher sur les pratiques des gens comme vous et moi (mais pas littéralement) et regarder quels conseils nous donnent nos pairs pour nous améliorer. Bien sûr, nous nous permettrons de nous focaliser sur ceux qui nous paraissent les plus pertinents pour les besoins de cet article. Parce que si la majorité des astuces sont mignonnes comme tout, voire d’une naïveté adorable (« prenez une douche ensemble »), il y en a de plus inventives ; et parmi elles, il est à craindre que certaines n’aient pas survécu à la sortie de leur contexte d’un soir. En fait, il y en a même tellement que pour les répertorier, on peut soit parcourir la véritable encyclopédie contenue sur le site de Cosmo, soit lire les articles qui l’ont déjà fait.

Gardez un spray d’eau froide à côté du lit et servez-vous en pour prolonger vos rapports en vous aspergeant aux bons moments.

Aussi appelée la méthode « vilain minet », cette astuce offre en effet des perspectives pour faire durer votre partenaire plus longtemps. Attention en revanche à l’effet « Blade Runner », qui nous apprend que pour briller deux fois plus fort, une chandelle doit brûler deux fois plus vite : tous ces rapports prolongés ne manqueront pas à terme de raccourcir votre relation.

Trempé

« Tu es consciente que chez la plupart des gens, la douche vient après le sexe, n’est-ce pas ? »

Nourrissez-vous mutuellement de crème glacée dans le noir ; plus de saletés signifie plus de léchouilles.

Sans aller jusqu’à prétendre qu’il n’existe pas une sorte de vague rapport indistinct entre le sexe et le fait de manger de la glace dans le noir (à peu près le même qu’entre la Nébuleuse de la Lyre et un mocassin), je dirais quand même que certaines personnes consacrent trop de réflexions aux préliminaires. D’ailleurs…

56% des hommes non mariés préfèrent être allongés pour le sexe oral, tandis que le chiffre s’inverse chez les hommes mariés.

Le mariage, ça vous retourne un homme comme un gant.

Ce n’est pas souvent qu’un conseil, donc par définition quelque-chose qui se veut pratique, parvient à atteindre simultanément deux niveaux d’inutilité : parce que même si vous consacrez de l’importance à la position de votre partenaire pendant une gâterie (alors que concrètement, vous pouvez bien lui demander de faire le poirier, il restera partant), que voulez-vous faire d’une marge où l’on passe de grosso-modo la moitié à grosso-modo la moitié ?

Chatouillez ses pieds avec vos tétons : placez-vous en reverse cowgirl et penchez-vous jusqu’à ce que vos seins atteignent ses orteils. Yowzah !

N’oubliez pas le « Yowzah », parce que c’est clairement la partie la plus excitante de cette astuce.

Recevez un « baiser papillon » : pour ce faire, il bat des cils au contact de votre peau très sensible juste sous vos seins.

Vous voyez ce qui arrive quand on oublie le « Yowzah » ?

Préparez à manger topless, appliquez un peu de sauce tomate sur vos seins et demandez-lui de goûter.

Attention à la température de la sauce tomate, sinon vous allez faire des bonds comparables à celui que l’égalité des sexes vient de faire en arrière avec la phrase « préparez à manger topless ».

(Si vous avez un colocataire) : louez un film d’horreur : s’il entend des cris, il considérera qu’ils proviennent du film.

Coloc'

« Qu’est-ce qu’on regarde, les poteaux ? »

Premièrement, si vos cris d’extase sont comparables à ceux qui émanent d’un film d’horreur, c’est probablement que vous faites quelque chose de travers. Ensuite, je pense qu’il n’y a pas besoin d’avoir inventé le bouquet de fleurs pour se rendre compte que niveau romantisme, on peut sans doute trouver mieux que le cinéma d’épouvante comme toile de fond à une nuit d’amour.

Prétendez avoir besoin de monnaie et fourrez votre main dans la poche de votre partenaire ; lorsque ça devient dur, demandez-lui : « est-ce un rouleau de pièces que je sens ou es-tu juste content de me voir ? »

Aha, on dirait que des lecteurs de Cosmo ont regardé Friends hier soir !

Versez de la bière sur son visage – *blabla sur les bienfaits de la bière sur la peau* – mais vous pouvez aussi lui dire que vos lèvres ne peuvent résister à son délicieux visage aux saveurs de bière.

Après la phrase absolument convenue que tout le monde avait déjà entendue, on enchaîne avec celle qui n’en est une qu’au sens grammatical strict, parce qu’il y a un verbe dedans. Elle n’en demeure pas moins largement trop improbable pour être articulée où que ce soit sur la planète – notamment dans votre chambre à coucher.

Lit

Mais bon, de toute façon vous deviez déjà nettoyer les draps à cause de la glace, alors…

Tenez son sexe dans une main et frappez-le doucement avec l’autre, comme si vous volleyiez une balle de tennis.

Nadal

Ou mieux : ne le faites pas. Garde tes distances, Cosmo.

Choisissez quelques-unes de vos combinaisons de saveurs érotisantes préférées, comme miel – beurre de cacahuètes ou crème fouettée – sauce au chocolat, et disposez des friandises sur le corps de votre partenaire.

Rien de franchement révolutionnaire de ce côté-ci, mis à part qu’il est plutôt rare pour Cosmo de vous encourager à vous goinfrer de beurre de cacahuète ou de sauce au chocolat. J’aimerais toutefois signaler que si vous disposez de suffisamment de « combinaisons de saveurs érotisantes préférées » pour pouvoir en sélectionner « quelques-unes » pour les besoins de cette astuce, c’est que vous êtes aussi probablement du genre a pouvoir définir une liste de vos fabricants d’emballages en plastique préférés selon l’odeur qu’ils dégagent et là encore, gardez vos distances.

Mélangez des types de saveurs de lubrifiants pour créer des combinaisons, comme « fraise-banane ».

À vous le grand soir…

Je parle peut-être un peu vite, mais il me semble que de manière générale, les articles « concons-assumés » qui ciblent essentiellement les femmes tendent à donner systématiquement des exemples pour tout, une fois j’avais même lu « faites un vœu (par exemple partir en vacances dans un pays chaud) ».

Allons, Cosmo, un peu de crédit que diable ! Pourquoi vos lectrices auraient-elles besoin que vous leur citiez des exemples de leurs propres saveurs préférées, ou que vous leur expliquiez qu’elles aiment les vacances au soleil ?

Après tout, ce n’est pas parce qu’un article se veut un peu niais qu’il ne sera lu que par des niais. Mes lecteurs seront d’accord avec moi, parce qu’ils n’ont pas vraiment le choix.

Pendant que vous mangez, dites quelque-chose de sexy, comme par exemple (vous voyez ?) « tu vois comme je mange ce morceau de viande ? C’est comme ça que je vais te manger après ! »

Un meilleur effet sera atteint si vous choisissez bien votre moment pour placer cette grivoiserie délicieusement inventive, par exemple lorsque vous essuyez votre front inondé de sueur à force de vous acharner à déchiqueter laborieusement une entrecôte récalcitrante au couteau à steak.

Flan

« Tu vois comme je gobe ce flan ? »

Enregistrez-vous lors de votre prochaine session solo et envoyez-lui le fichier en plein milieu de journée, avec un texte « tu veux m’entendre faire ça ce soir ? »

La réponse la plus probable consiste en un fichier audio composé d’une salve d’applaudissements nourris provenant de tout l’espace de travail de votre partenaire. Et je crains que ce soir, on entende tout autre chose qu’escompté à la maison.

Demandez-lui quelles chansons il écoutait quand il était sur la fin de l’adolescence et passez-les pendant une nuit. Ça le renverra à une époque où il était presque constamment en état d’excitation et réveillera ses pulsions primales.

Oui, alors je ne suis pas certain que ça marche vraiment comme ça ; non pas qu’il n’y ait pas quelque bénéfice à retirer de la nostalgie ou des souvenirs de jeunesse, mais lorsqu’on peut résumer une méthode par « Indochine réveillera ses pulsions primales », c’est qu’on a négligé des détails importants.

Prenez assez de film en plastique pour vous emballer environ huit fois dedans, tressez-le en corde et liez-vous solidement à votre partenaire en plusieurs endroits.

En plus, tout ce plastique entrera en harmonie avec celui qui recouvre encore votre matelas et vos meubles.

Trouvez une cascade, sautez nue dans le bassin avec votre partenaire ; la passion fera entrer l’eau en ébullition.

Ah, enfin du concret ! Effectivement, si vous connaissez un bassin harmonieux et propice à la baignade où personne ne va jamais, alimenté par une cascade, dans un cadre idyllique et pas trop loin de chez vous, vous tenez là une astuce en or !

Pour les autres, nous devrons continuer à nous contenter d’un monde où, malheureusement, nos moyens terrestres nous privent d’accès aux sex-tips les plus déconnectés de la réalité.

VLUU L100, M100  / Samsung L100, M100

Messieurs, vous voulez faire plaisir à votre femme ? Offrez-lui une Ferrari !

Trempez vos seins dans de la peinture comestible et servez-vous-en pour « peindre à l’éponge » son corps tout entier. Puis léchez.

Vous savez quoi ? Vos draps ? Jetez-les.

Sinon, cette astuce consiste à vous servir à des fins érotiques d’un produit qui n’a de toute façon pas été pensé autrement, donc elle est sans doute valable. Toutefois, la peinture corporelle est surtout prévue pour de petites surfaces, si vous comptez vous en servir pour peindre-au-sein (?) le corps entier de votre partenaire, déjà bon appétit, et ensuite attention au prix : la peinture comestible, si j’en crois Amazon, c’est environ dix balles les quatre petits pots.

Body Paint

Il y a un prix à payer pour profiter des saveurs de, je cite, « Chew Chew Cherry », « Scrumituous (quoi que ça veuille dire) Strawberry », « Gooey Blueberry » et « Awesome Apple ».

Et bien que je n’aie pas connaissance des quantités – parce qu’apparemment Amazon juge cette information superflue – je ne crois pas qu’on parle de gros bidons pour peindre au rouleau, mais bien de minuscules récipients. Et tout romantique vous dira que si votre tuyau vous revient aussi cher à appliquer qu’un week-end à Rome, abstenez-vous-en, et partez un week-end à Rome.

Peinture comestible

Mais on ne vous empêche pas d’y emmener un ou deux petits pots, frippons !

Et sinon, du côté des mecs ?

On rigole, mais qu’est-ce que ça donne lorsqu’on se penche sur des conseils exclusivement donnés par des hommes ? Eh bien…

Assurez-vous qu’on sache que vous avez aimé Ryan, 19 ans

Je suis désolé Ryan, mais c’est exactement ce qu’elles font.

Portez un t-shirt mouillé au lit Nick, 30 ans

Quoi ?

Portez un t-shirt mouillé quand vous faites la vaisselle – Bart, 22 ans

Ouais enfin, portez un t-shirt mouillé en permanence, quoi.

Sinon c’est pas bête : lorsque vous savez pertinemment que vous allez vous en prendre plein la gueule si vous articulez votre requête, vous la publiez sur Internet en espérant que votre partenaire tombe dessus et l’adopte.

N’oubliez pas le blowjob ! – Tanner, 21 ans

Vraiment Tanner ? Tu y vas avec « n’oubliez pas le blowjob » ?

Après une importante promotion, ma copine ne m’a donné que du sexe oral toute la nuit – Ken, 32 ans

Ken n’a apparemment aucun tuyau à vous donner sur le sexe, mais il a de bonnes astuces pour vous si un jour vous cherchez un moyen de vous la raconter tout en évitant de répondre à une question.

Ma copine prétendait ne pas vouloir m’embrasser, j’ai dû utiliser ma langue pour ouvrir sa bouche – Ron, 25 ans

En revanche, Ron n’aime pas du tout quand on lui fait ça en prison.

En fait, du côté des mecs, c’est un peu tout le temps la même chose. Et ça respire l’insécurité par moments (c’est fou le nombre de variantes que l’on peut trouver à « dites-moi que j’assure au lit »). Finalement, c’est vous qui avez raison mesdames : vous vous êtes infligées une indigestion avec toute cette crème fouettée et cette peinture, vous vous êtes brûlées à la sauce tomate, vous avez foutu de la bière partout et on vous appelle « la folle aux films d’horreur » dans tout le quartier, mais au moins vous vous êtes montrées imaginatives ; parce que nous, mis à part une pneumonie, on ne vous a rien donné de bien concret avec nos t-shirts mouillés.

Justice et autres farces

Publié: 31 mars 2016 dans Sciences sociales

La Justice est un concept probablement encore plus ancien que l’Homme ; remontez donc le temps jusqu’à nos ancêtres simiesques et tentez de dérober sa banane à l’un d’eux, vous verrez s’il ne vous envoie pas sa justice en plein dans la gueule.

Lorsque nous avons évolué, notre vision de l’équité a fait de même et nos législations se sont articulées autour de nos modes de vie ; par exemple, les Mésopotamiens édifièrent leur civilisation en partie autour de la bière (auto-promo). Comment ces gens-là en vinrent-ils à inventer l’écriture en étant pétés comme des coings, nous ne le saurons jamais, toujours est-il que les premières lois écrites que l’on connaisse, le Code de Hammourabi, stipulent que celui qui sabote sa production de bière ou la coupe avec de l’eau sera noyé dans son propre breuvage.

Bud Light

Ça, typiquement, ça n’aurait jamais existé sous Hammourabi

Ce qu’on en retirera, c’est que la Justice est toujours plus ferme lorsqu’elle traite d’un point névralgique de la société. Un crime lié à la bière à l’époque n’était pas très loin d’un crime en rapport à l’argent aujourd’hui, d’ailleurs vous remarquerez qu’après la récente tragédie des subprimes, les responsables de la débâcle finirent, eux aussi, noyés sous le fric.

Seulement voilà, on voudrait voir la Justice comme une entité impartiale à laquelle personne n’échapperait, un peu comme un Kraken vigilant qui générerait beaucoup de paperasse ; mais comme avec tous les concepts, nous avons parfois des points de vue divergents à son sujet. Et il peut arriver à certains d’y faire appel pour les raisons les plus ridicules imaginables.

Batman vs Batman

Batman est une ville turque de 350’000 habitants, capitale de la province de Batman, proche du confluent entre la rivière Batman et le fleuve Tigre, qui est incidemment le confluent le plus badass au monde.

Confluent

Parabole

Je vous invite à relire une ou deux fois le paragraphe ci-dessus et à me dire si vous ne trouvez pas qu’il y a quelque chose qui y cloche.

Et bien le maire de Batman est bien d’accord avec vous ! En 2008, Hüseyin Kalkan décida d’entamer une procédure judiciaire à l’encontre de la Warner Bros, de Christopher Nolan et du sens commun pour avoir volé son nom à sa bourgade.

Batman(city)

La ville turque de Batman, que l’on dit sillonnée par un héros nommé « Gotham City ». (Ou peut-être « Gökan City »).

« Il n’y a qu’un seul Batman au monde », nous assène le véhément bourgmestre, signant ainsi l’une des citations les plus improbables à avoir jamais émané d’un politicien. Selon lui, la Warner et Christopher Nolan ont utilisé le nom de la ville sans son autorisation, causant par là de sérieux préjudices à ses habitants, notamment ceux qui cherchaient à exporter leurs produits. Ce qui est certainement vrai, si l’on considère que dissiper un quiproquo constitue un sérieux préjudice.

Morgan Freeman

« Laissez-moi résumer : vous pensez que votre client, un des hommes plus riches et les plus influents au monde, est en réalité une ville du sud-est de la Turquie, et votre plan et de porter plainte contre la Warner ? Bonne chance ! »

Kalkan trace également des corrélations entre l’appropriation du nom de sa ville et plusieurs meurtres non élucidés qui y ont eu lieu, ainsi qu’un taux anormalement élevé de suicides chez les jeunes filles. Et s’il a raison d’insister sur ce dernier point, il serait plutôt lié au penchant des locaux pour le « suicide d’honneur », tradition dont le nom seul laisse à penser que le vrai Batman ne perdrait pas son temps s’il voulait bien faire un petit crochet par là-bas.

Évidemment, on aurait pu demander à Kalkan s’il ne se foutait pas un peu du monde en poussant sa gueulante au moment où la franchise remportait la timbale avec The Dark Knight, mais il n’aurait probablement pas répondu, parce que cette même année, il était condamné à dix mois de prison pour promotion du terrorisme, chose qui mit fin à ses ambitions juridiques. Et bien que je ne sache pas trop ce qu’il faut penser d’une telle condamnation en Turquie, il n’est pas impossible qu’à l’instar de son légendaire homonyme, la ville de Batman ait connu des déboires avec une sorte de clown malfaisant.

RIAA vs Gertrude Walton

On sait qu’avec les téléchargements illégaux, il est devenu aisé de se substituer aux grands distributeurs en extorquant directement les artistes à leur place ; pour endiguer le phénomène, la Recording Industry Association of America (RIAA) décida dans les années 2000 de se la jouer Vlad l’Empaleur en misant sur la force de l’exemple : pas moins de vingt mille procédures pénales furent entamées à l’encontre de downloaders piqués au hasard.

Mais vraiment au hasard : parmi les suspects se trouvaient une fille de douze ans, un bon paquet de personnes qui n’avaient jamais rien téléchargé et une octogénaire nommée Gertrude Walton. Vous savez instinctivement que lorsqu’une puissance économique porte plainte contre une personne qui s’appelle Gertrude, c’est qu’il y a un malentendu quelque part.

Et en l’occurrence, Gertrude était décédée depuis environ un an lorsque la plainte fut déposée. Sa fille, qui n’avait probablement pas vu la chose venir, ajouta que feu sa mère n’avait jamais ne serait-ce que possédé un ordinateur.

Spiritisme

« L’accusée plaide non-coupable, votre honneur ! »

Qu’à cela ne tienne, l’affaire fut portée en même temps que bien d’autres devant la cour et la prévenue, figurez-vous, ne se présenta pas à son procès. Ce dernier fut néanmoins bien entendu prononcé et Mrs. Walton Senior, alias « Smittenedkitten », fut formellement accusée d’avoir téléchargé plus de 700 chansons de rock, pop et rap.

Granny

Regroupées dans une playlist qu’elle avait appelé « musique de sauvages »

Ensuite de quoi la défense (sa fille) produisit l’acte de décès et la RIAA, penaude, retira sa plainte, probablement après que le juge leur ait dit « mais c’est quoi votre problème, à la fin ? »

Jonathan Lee Riches vs le monde

Vous avez tous connu des bellicistes dans votre vie, ces gens tout le temps remontés qui traversent l’existence comme un terrain de rugby, prêts à se jeter de tout leur poids sur qui leur barrera la route.

Astéroïde

Ce sont les astéroïdes du genre humain.

On sait que ces oiseaux-là ne sont pas nécessairement des durs à cuir ; en règle générale, les vrais pratiquants d’arts martiaux tendent à être plutôt relax et bien souvent, le type qui brandit le poing au rade du coin est davantage mis en confiance par son taux d’alcoolémie que par ses années de Ju-Jitsu ; et si vous auriez de toute façon tort de répondre à leurs provocations, il est probable que pour beaucoup de bellicistes, le jour où ils trouveront enfin la bagarre coïncidera avec celui où ils la perdront.

Self défense

S’ils devaient écrire un guide de self-défense, il serait tellement mauvais que vous seriez mort avant d’avoir fini de le lire.

 

Et comme aujourd’hui les combats modernes se déroulent devant un juge, il n’y a pas de raison de ne pas trouver aussi des bellicistes sur ce terrain-là.

Arrive Jonathan Lee Riches. Depuis janvier 2006, Jonathan a déposé pas moins de 2’600 plaintes contre de multiples personnes, organisations, entreprises, concepts ou à peu près tout aspect de notre existence que notre vocabulaire a su définir par le biais d’un mot. Condamné pour divers délits, il remplit ses formulaires depuis sa cellule et, de là, lance ses avocats à la conquête du monde, ou le ferait s’il en avait, ou si ses actions n’étaient pas systématiquement déboutées.

Parmi les noms des défendants qui nous sont connus, on trouve notamment NASCAR et Rockstar Games qu’il accuse de l’avoir enjoint à conduire comme un bourrin, Bernard Madoff, Britney Spears, Serena et Venus Williams, George W. Bush, Steve Jobs, Adolf Hitler, les pirates somaliens, Nostradamus, Platon, les films Ghostbusters ou Poltergheist, les bananes Chiquita, la planète naine Pluton, le Che, tous les survivants de l’holocauste, les treize tribus d’Israël, la Tour Eiffel, l’Empire Romain, le moyen âge, les dieux nordiques, le Saint Graal, Jay Z, l’Airbus A380, Ford Motor et bien, bien d’autres.

Bien sûr, un coup d’œil à cette liste suffit pour comprendre que le vieux Riches a un problème, mais il n’est pas le seul : lorsque la construction d’un nouveau palais de justice à côté de la prison aboutit à une économie en frais de timbres, c’est qu’il est temps de faire quelque chose, et quelque chose fut fait : il y a quelques années, Jonathan se vit retirer son droit à l’aide financière que l’état octroie aux gens fauchés qui intentent une action en justice et depuis, c’est silence radio.

Harvey Taylor vs la police

Recherché en Floride pour actes d’ordre sexuel sur un mineur, Harvey Taylor se réfugia dans un bled perdu du Maine pour échapper à la justice, car le seul facteur qui détermine si on retrouve un fugitif est le nombre de kilomètres qui le sépare du lieu de son crime.

Lorsqu’il fut appréhendé malgré tout, Harvey prit ses jambes à son cou et alla se perdre (au sens propre) dans une forêt. Une fois isolé au milieu des immensités sauvages du nord de l’Amérique, il put reprendre sa vie loin de ses poursuivants et, tant qu’à faire, de la civilisation.

Maine

« à moi la liberté ! »

Seulement voilà, si le climat de sa Floride natale lui aurait permis ce genre de fantaisies, celui de l’état du Maine requiert un peu plus de préparation avant de se lancer à la belle étoile, d’autant qu’on était en plein hiver ; à peine gambadait-il parmi les arbres qu’une tempête de neige se leva, amenant un froid tel qu’il en vint bien vite à regretter les couvertures, la sécurité et le chauffage des cellules américaines.

Rapidement très mal en point, Harvey se tourna vers Dieu et lui demanda une intervention divine (alors qu’Il venait probablement de le faire avec la tempête) pour le sortir de cette situation. Il fut peut-être entendu, car c’est en suivant un oiseau qui volait d’arbre en arbre qu’il parvint à un bled, où il fut secouru puis envoyé au trou.

Néanmoins, Taylor avait passé trois jours perdu en plein blizzard et, les engelures aidant, y laissa deux ou trois orteils ; il décida donc de faire la seule chose raisonnable, à savoir porter plainte contre l’inspecteur chargé de le retrouver dans le Maine, parce que s’il l’avait attrapé plus vite, il n’en serait pas là.

Il déclara donc qu’il déposerait une plainte officielle sitôt qu’un avocat accepterait l’affaire. À ma connaissance, l’histoire ne va pas plus loin.

La prévention qui en fait trop

Publié: 4 février 2016 dans Sciences sociales

Ce n’est que lorsque vous êtes submergé par une nuée de sauterelles à la sortie du bureau de poste que vous réalisez à quel point vous étiez peu préparé à cette éventualité. Une société paraît toujours prise au dépourvu lorsque survient une tuile, du reste c’est pour cela qu’on tend à en parler beaucoup plus après qu’avant.

GODZILLA

Vous remarquerez que les gens sont toujours surpris lorsque Godzilla émerge de l’océan.

Nous sommes tous démunis face à l’imprévu et le moins que l’on puisse faire, c’est pratiquer de temps à autres nos procédures de sécurité ; chaque communauté doit pouvoir compter sur des protocoles efficaces et des gens aptes à les mettre en pratique, si possible sans qu’ils soient fous à lier.

Ce qui arrive malheureusement trop souvent.

Police anti émeute indienne contre enfants : check

Dans la ville indienne de Tumakuru, on applique un concept appelé le Mois de la Prévention du Crime, ce qui aurait tout d’une bonne idée si la chose n’incluait pas à la fois des simulations de combats et des enfants.

Mais n’allons pas plaindre tout de suite ces derniers (ça viendra bien assez vite) : pour les petits, substituer une démonstration de badass avec des flingues à un cours de géo ne pouvait pas être une mauvaise opération, aussi la bonne humeur était-elle de mise lorsque les costauds fanfaronnaient devant la petite foule conquise.

Badass 2

Voilà comment on donne des souvenirs aux gosses !

Comme la situation ne pouvait bien évidemment pas aller dans le bon sens, on décida vite de se servir des jeunes comme cibles factices ; diverses manœuvres de charges et de désossage de manifestants furent exercées, avant qu’on pousse un cran plus loin en tirant en l’air trois salves de balles en caoutchouc devant les petits yeux émerveillés.

C’est là qu’il convient de préciser que malheureusement, on n’avait pas jugé utile de précéder le Mois de la Prévention du Crime par le Mois de Qu’est-ce qu’elle fait la Gravité. Car alors que les enfants ravis applaudissaient les coups de feu en se bouchant les oreilles, les balles accomplirent le très prévisible tracé qu’on attend de tout objet soumis aux lois de la physique et piquèrent droit vers les petites têtes brunes. Aucune ne fut directement atteinte, mais les projectiles, en touchant le sol, éclatèrent en une multitude d’éclats ivres de rage qui fusèrent haineusement vers les jambes et les chevilles des alentours.

Inutile de narrer la joyeuse hilarité qui suivit ; la petite troupe s’évapora dans un concert de cris de terreur, révélant sept malheureux, dont cinq enfants, en train de se rouler au sol en hurlant. Tout bon agent de police vous dira qu’une demi-douzaine d’enfants en larmes et en sang va plus ou moins à l’inverse du résultat qu’on attend d’un exercice correctement mené, et les forces de l’ordre penaudes acheminèrent les victimes à l’hôpital sous les regards furieux de l’assistance.

Badass

« Je sais pas ce qui me retient de leur péter la gueule ! »

Les médias russes oublient des mots (« exercice », par exemple)

La Sibérie est une région si tourmentée par le froid que l’espérance de vie de ses habitants y est largement éclipsée par celle de ses bonhommes de neige.

bonhomme de neige (si)

C’est un peu leurs menhirs.

Ce n’est pas pour autant que ses citoyens ne doivent pas se préparer à d’autres catastrophes que celle de devoir y vivre ; en 2013, une simulation de fuite toxique contaminant les réserves d’eau potable est organisée par le gouvernement dans la ville de Tyumen.

À cet effet, un communiqué est envoyé aux médias locaux, lesquels réagirent en s’en foutant complètement. De son côté, un important journal national à gros tirage relaya l’information, en oubliant néanmoins de préciser qu’il s’agissait d’un exercice.

C’est ainsi que les 3.6 millions d’habitants de Tyumen prirent conscience qu’une intoxication au chlore avait déjà causé 55 décès dans leur patelin et contaminé 160 autres personnes, et, aussi, qu’un énorme nuage toxique se dirigeait à grande vitesse vers la ville et s’apprêtait à l’engloutir.

Vacances en Russie

Alors que dans les faits, aucune menace n’était à déplorer et les Russes pouvaient continuer à vivre leur quotidien planplan.

Dès lors, la ville disparut sous un nuage de panique qui, fort heureusement, s’en tint essentiellement aux réseaux sociaux. Les gens s’enfermèrent chez eux à double-tour en s’échangeant leurs dernières volontés sur Internet, jusqu’à ce que le média concerné fasse son petit erratum.

Du côté du ministère de la défense, qui avait organisé l’exercice, on rejeta toute responsabilité, arguant que si les citoyens s’étaient rendus sur leur site, ils y auraient certes trouvé le même rapport accablant que celui diffusé par la presse, mais qu’un lien menait sur une page où on pouvait y lire qu’il s’agissait d’une simulation.

Et vous savez quoi ? Je leur donne partiellement raison. Leur argument est complètement con, mais c’est vrai que si vous lisez une nouvelle annonçant que vous êtes en danger de mort, autant prendre le temps de vous intéresser aux liens, non ?

Une maison de retraite simule une prise d’otages

Un hospice du troisième âge n’a rien d’un château fort, c’est d’ailleurs pour ça qu’on y croise si peu de hallebardiers. Celui qui veut aller y jouer les durs a relativement peu de chances de se faire rétamer par une ceinture noire, problème auquel nos gouvernements semblent parfaitement indifférents. C’est inadmissible.

Eh bien à Carbondale, dans le Colorado, on a décidé de prendre le problème au sérieux ; ce n’est pas tout d’affirmer à l’embauche être capable de tuer trois blousons noirs à l’aide d’un déambulateur, encore faut-il avoir les tripes pour passer à l’acte en cas de situation réelle ; c’est ainsi que le paisible hospice de cette non moins paisible bourgade de six mille âmes connut une journée pleine de surprises.

Carbondale

Carbondale ; sa montagne, son bâtiment rouge.

Le 16 octobre 2013, l’infirmière Michelle Meekers est priée de s’occuper d’un zigue qui arpente le hall d’entrée, tout occupé à arborer un air louche. Interrogé par la jeune femme sur les motifs de sa présence, il affirme être là pour visiter un parent (ce qui aurait dû lui mettre la puce à l’oreille, ce n’est pas comme si ça arrivait souvent) et s’engage dans un couloir (ça aussi, tiens) avec la jeune femme sur ses talons. Puis il s’arrête devant une chambre inoccupée et demande à Michelle d’y entrer. À ce stade-là, cette dernière commence à trouver que ça fait pas mal de bizarreries et refuse d’obtempérer.

Le type réitère sa demande, cette fois-ci en insistant. Michelle, qui ne change pas d’avis comme ça, refuse. Le type réitère sa demande, cette fois-ci avec un flingue. Michelle, qui est héroïque, refuse encore. Le type réitère sa demande, cette fois-ci en avançant lentement vers la malheureuse. Michelle, qui, à tout prendre, préfère faire face à un homme armé dans un couloir plutôt que dans une pièce déserte, refuse toujours. Le type réitère sa demande, cette fois-ci en agitant son arme. Michelle, qui n’est finalement pas si héroïque mais qui garde toute mon admiration, éclate en sanglots, suppliant son agresseur de l’épargner en jouant la carte « j’ai une petite fille ».

Agresseur

J’aurais totalement fait pareil, ce qui eut été un hideux mensonge et je n’aurais même pas honte.

Borné, le type réitère sa demande, cette fois-ci en précisant que tout va bien, je suis de la police, c’est juste un exercice, on rigole, maintenant entrez dans cette putain de pièce s’il vous plaît. Michelle, dont le point faible a toujours été les arguments nonsensiques découlant de situations grotesques, cède et entre dans la chambre, priant pour en ressortir vivante.

Elle en ressortira effectivement vivante environ une demi-heure plus tard, après avoir aidé l’agent à trouver un autre otage et avoir cherché à alerter ses collègues par le nom de code « dr Grey », chose dont on peut douter de l’utilité compte tenu du fait que c’est le policier qui a dû le lui apprendre. À terme, Michelle est acheminée dans le bureau du directeur, ou l’ensemble du comité décisionnel, après un bref mot d’excuse pour cette facétie impromptue, passa les vingt prochaines minutes à lui relater tout ce qu’elle avait fait de travers durant l’exercice.

alpaga-maison-retraite

« L’alpaga s’en est nettement mieux tiré que vous ! »

Et parmi les actions qu’on lui reprocha de ne pas avoir entreprises, on trouve notamment crier, faire du bruit, renverser des objets pour attirer l’attention et autres choses que personne de sensé ne tente sous la menace d’une arme à feu.

C’est ainsi que Michelle Meekers fut pleinement formée aux protocoles de sécurité de son hospice, juste avant de donner sa démission et de porter plainte contre son employeur.

Ces absurdes mythes sexuels

Publié: 3 décembre 2015 dans Sciences sociales

Sans vouloir me la raconter, je pense pouvoir affirmer que lorsque l’on parle de sexe, j’en sais beaucoup plus long (plus long… pigé ?) que vous, parce que j’ai vu énormément de reportages sur Internet.

Yeah, instruis-moi baby !

Yeah, instruis-moi baby !

Mais il faut admettre que le sexe est une activité d’une complexité que ne laisserait pas soupçonner le peu de raffinement dont on fait preuve lorsqu’on la pratique ; et on a beau se grimper les uns sur les autres depuis qu’on existe, il n’empêche que la moitié de ce que l’on croit en savoir tend à être erroné, ce à quoi on doit d’increvables mythes.

Désolé, mais le sexe ne fait pas maigrir

On va commencer par une bonne nouvelle : ceux qui entretiennent des relations sexuelles pour perdre du poids peuvent arrêter. Yeah !

« Tu ne trouves pas qu'on vit beaucoup mieux depuis qu’on a abandonné nos résolutions ? »

« Tu ne trouves pas qu’on vit beaucoup mieux depuis qu’on a abandonné nos résolutions ? »

Pour les autres : coup dur. Combien de fois avons-nous entendu ou lu qu’une partie de jambes en l’air serait pour nos calories l’équivalent d’un marathon des sables ?

Et combien sommes-nous à avoir ensuite relayé le chiffre à notre partenaire en ajoutant « mais c’est juste une moyenne hein, nous c’est plus ! *clin d’œil* »

Et combien sommes-nous à avoir ensuite relayé le chiffre à notre partenaire en ajoutant « mais c’est juste une moyenne hein, nous c’est plus ! *clin d’œil* »

Eh ben mes petits lapins je suis navré, mais il vous faut arrêter de hurler à tout bout de champ « je suis Cristiano Ronaldo » ou « je suis Serena Williams » durant vos ébats, parce que la science vous donne tort (sauf si vous êtes personnellement Ronaldo ou Williams bien sûr, mais je pense que ça reste une mauvaise idée de le crier pendant l’acte.)

Et sérieusement : qui y croit ? Je ne dis pas que ça paraît complètement invraisemblable, mais la vie nous apprend continuellement que rien n’est jamais aussi facile. Le sexe remplacerait le sport ? Désolé, mais c’est trop arrangeant pour être vrai.

Une séance de sexe équivaut à deux heures de gym, améliore votre faculté au calcul mental et vous fait avancer la lecture des Misérables de cinquante pages.

Une séance de sexe équivaut à deux heures de gym, améliore votre faculté au calcul mental et vous fait avancer la lecture des Misérables de cinquante pages.

Alors vous saurez que lors d’une petite séance de course à pieds à rythme de papy, vous cramez environ trois fois plus de calories à la minute qu’en faisant la bête à deux dos. Et lors d’une session de course plus intense, vous grimpez à jusqu’à dix fois plus (mais malheureusement, c’est bien là tout ce que vous grimpez). Bon, certes, le jogging est un peu le type d’exercice reconnu pour faire fondre, alors si vous voulez un comparatif moins extrême, sachez qu’une séance de cul équivaut plus ou moins à une session de golf qui durerait deux fois moins longtemps.

« Je suis Tiger Woods divisé par deux ! »

« Je suis Tiger Woods divisé par deux ! »

Les hommes n’y pensent pas toutes les 7 secondes, eh oh

Sérieusement ? Toutes les sept secondes ? Je ne sais pas qui est à l’origine de ce mythe, mais il est probable qu’il tienne son information d’une moyenne calculée lors d’une session de thérapie de groupe pour sex addicts.

Même pendant un rapport on n’y pense pas aussi souvent.

Même pendant un rapport on n’y pense pas aussi souvent.

Qu’est-ce qui devrait se passer dans nos tête, messieurs, pour qu’en l’espace de sept secondes on ait le temps de penser au sexe, puis à autre chose, puis à nouveau au sexe ? Et ce, toute la journée durant ? Comment on ferait pour conduire ? Ou pour bosser ? Ou pour manger ? Combien d’embarrassants lapsus lâcherait-on à chaque conversation ? Comment s’y prendrait-on pour ne pas devenir complètement fou ? On n’est pas si agité, mesdames !

En commençant en haut à gauche : un ange ; un sexe ; un papillon ; un sexe ; un manoir sur deux énormes cornes ; un sexe ; de l'art moderne ; un sexe ; un...

En commençant en haut à gauche : un ange ; un sexe ; un papillon ; un sexe ; un manoir sur deux énormes cornes ; un sexe ; de l’art moderne ; un sexe ; un…

Bon, pour être honnête, on voit carrément un sexe sur la deuxième forme j’ai un peu vérifié sur Internet et n’ai trouvé personne qui semblait vouloir y croire, encore que je n’aie pas checké Doctissimo. Pour ma part, j’ai l’impression que le véritable mythe n’est pas que les hommes penseraient au sexe toutes les sept secondes, mais plutôt que des gens y croiraient.

Mais allez savoir, après tout on entend parfois dire que chaque acte et pensée d’un être humain gravite inconsciemment autour du sexe, donc on peut imaginer que l’idée des sept secondes sort du même tonneau.

But de l’auteur : pécho.

But de l’auteur : pécho.

Les homophobes ne sont pas secrètement des gays refoulés

Ah, si seulement c’était aussi simple, hein ?

Quand on y pense, « homophobie » est un terme bien gentil : une véritable phobie découle d’une réaction irrationnelle – d’ailleurs on dit « souffrir » d’une phobie – mais certainement pas d’un choix ou d’une opinion. À quand remonte la dernière fois qu’un arachnophobe vous a ardemment soutenu que Jésus détestait les araignées ?

« Jésus détestait aussi les devoirs et les choux de Bruxelles. »

« Jésus détestait aussi les devoirs et les choux de Bruxelles. »

Certes, un homophobe et un arachnophobe ont en commun le fait qu’une fois confrontés à l’objet de leur aversion, tous deux deviennent intenables, hystériques et tonitruants, mais un seul vire déjà ainsi à la simple évocation de sa phobie ; du reste, le même cherche systématiquement à justifier sa répulsion, là où l’autre admet de lui-même qu’elle n’a rien de logique.

Et comme on a parfois cette tendance à vouloir voir l’humanité comme une grosse boule d’ironie, certains en sont venus à prétendre que les homophobes étaient en réalité des homosexuels qui s’ignorent. Parce que oui, pourquoi s’emmerder ? Et dès lors, pourquoi s’arrêter aux homophobes ?

Michel détestait les endives jusqu'à ce qu'il prenne conscience qu'il en était une lui-même.

Michel détestait les endives jusqu’à ce qu’il prenne conscience qu’il en était une lui-même.

Gardons-nous néanmoins de jeter le bébé avec l’eau du bain : dans quelques cas, c’est vrai. En 1996, une étude a rassemblé une soixantaines de jeunes pour leur passer des vidéos de sexe, certaines au contenu hétéro et d’autres homo. Précisons que tous les sujets du test étaient des mâles parce que 1) on s’en fout des filles et 2) les femmes s’ouvrent généralement à l’homosexualité durant leurs jeunes années au terme de frivoles batailles de coussins et y sont à ce titre plus tolérantes.

Si si, c'est vrai. Ne brisez pas mes rêves.

Si si, c’est vrai. Ne brisez pas mes rêves.

Donc pendant que le test était en cours (ne réfléchissez pas trop à ce qu’implique cette phrase), les chercheurs mesurèrent, dans tous les sens du terme, le taux d’excitation de ces fougueux étalons de la science. Outre divers regrets sur leurs choix de carrière, ils en retirèrent une curieuse constatation : les homophobes avaient tendance à être plus allumés par le gay-porn que leurs potes homopaphobes, puis à le nier par la suite.

Alors évidemment, on s’est empressé d’en faire une généralité, mais il y a plusieurs choses qui clochent avec cette étude, ainsi que l’affirment ses propres auteurs. Premièrement, les sujets sont tous de jeunes Américains de vingt ans, blancs et étudiants en sciences sociales, qu’on devrait peut-être éviter de considérer comme représentatifs de toute l’humanité. Ensuite, au risque de se répéter, l’homophobie n’est, techniquement, rien du tout, puisque la science ne reconnaît pas vraiment une « phobie des homosexuels ».

Contrairement à Internet.

La science n’a pas Internet.

En l’occurrence, ceux qui participèrent au test furent définis comme homophobes ou non selon le degré d’inconfort qu’ils avouaient en présence d’homosexuels. Mais ils ne représentent qu’une faible frange de ce qu’on définit en tant qu’homophobes ; il y a ceux qui, comme eux, ressentent un malaise, mais aussi ceux qui condamnent au nom de la vertu, des valeurs ou de la religion, ceux qui n’y connaissent rien et qui les rapprochent des clichés fétichistes auxquels certains médias les ramènent, ceux qui ont été élevés par des cloportes, ceux qui détestent par principe ce qui n’est pas comme eux et, bien entendu, ceux qui ont juste besoin de leur petit shoot de haine et qui se cherchent des boucs émissaires.

Alors certes, au sein de tous ces groupes, vous avez une poignée de zigues qui essaient effectivement de combattre une vérité qui les accable. Mais ne soyez pas trop prompts à prendre les homophobes en pitié : dans la plupart des cas, ce sont de vrais hétéros. C’est juste qu’ils sont ploucs.