Archives de la catégorie ‘Sciences sociales’

On sait qu’aujourd’hui, une enveloppe traînant sur un banc public n’est pas une cachette moins sûre pour vos données personnelles que là où elles sont maintenant, à savoir sur Internet. Beaucoup de personnes craignent de voir leur sphère privée leur échapper et partagent régulièrement leurs angoisses sur les réseaux sociaux, en même temps que leur adresse, les photos de leur maison et les dates de leurs prochaines vacances à l’autre bout du globe.

Mais n’allez pas croire que le plus grand risque pour vos données personnelles soit le vil pirate tapi dans sa tanière, oh non. Celui-là, pourquoi s’en prendrait-il spécifiquement à vous ?

Non, le gros risque, c’est que vos données personnelles soient gérées par un manche. Comme eux, là :

Une base secrète d’ISIS est ventilée à cause d’un selfie

L’État Islamique arbore des bannières noires, anéantit tout ce qui est culturel, a déclaré la guerre à la moitié de la planète et ses guerriers épousent de force les enfants de leurs victimes, c’est à croire que son but premier est de donner raison à Bush et à ses poncifs sur la lutte du Bien contre le Mal. Cette organisation serait particulièrement dangereuse si on vivait tous au treizième siècle, comme elle.

Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont impuissants ; ils ont déclenché le plus gros foin depuis Milosevic, ont mis une partie du Moyen-Orient à feu et à sang et provoqué une gigantesque crise humanitaire.

Ils ont aussi un talent fou pour pousser la lie de l'Occident à s'exprimer.

Ils ont aussi un talent fou pour pousser la lie de l’Occident à s’exprimer.

Au-delà de ça par contre, ils sont un peu coincés. Leur Djihad se veut un ouragan planétaire dévastant tout sur son passage, mais dans l’état actuel des choses, ils se retrouvent surtout à combattre les armées de l’air les plus avancées au monde avec ce qu’ils ont pu dénicher de mieux comme armes de l’ère soviétique en Iraq et en Syrie. Quant à leurs soldats, une bonne partie sont des agités occidentaux attirés par des promesses de meurtres et de viols, certainement pas prêts à mourir pour leur cause.

Et pour finir, ils doivent maintenir un secret absolu quant aux emplacements de leurs repaires tout en noyant les réseaux sociaux sous la propagande. Ça commence à faire pas mal de balles avec lesquelles jongler, et il n’est pas rare que l’une ou l’autre tombe à terre.

En début d’année, une bidasse de l’EI publie un selfie sur les réseaux sociaux en ajoutant un commentaire du type « moi dans les locaux de la base top-secrète d’ISIS, dans le fond vous pouvez voir la mosquée typique et l’ancienne ambassade du Mali ». Apparemment, personne ne lui avait dit que l’EI avait fâché pas mal de monde et que certaines personnes consacraient beaucoup de temps à ratisser les réseaux sociaux à la recherche d’indices.

« Hé, regardez ça, la moitié de l'état-major américain aime ma photo ! »

« Hé, regardez ça, la moitié de l’état-major américain aime ma photo ! »

22 heures et un passage de jets plus tard, la base n’était plus qu’un amas de décombres fumantes.

Un membre du congrès américain pense que les Japonais ne savent pas lire

Courant 1943, Andrew Jackson May, membre du congrès américain et député aux affaires militaires, rentre de Pearl Harbor avec de bonnes nouvelles, ce qui, durant la guerre du Pacifique, n’était pas si courant. L’information concernait l’incapacité des Japonais à détruire les sous-marins américains, car ils estimaient mal leur profondeur et leurs charges explosaient trop haut pour les atteindre.

Andrew était si content qu’il eut l’irrépressible envie de partager l’information, pour frimer et un peu et remonter le moral du bon peuple. Aussi, lors de la conférence de presse qui suivit son retour, il expliqua les raisons pour lesquelles il n’y avait pas lieu de s’inquiéter pour les équipages des sous-marins.

À l'image : un homme d'état largement aussi niais qu'un ado membre d'ISIS.

À l’image : un homme d’état largement aussi niais qu’un ado membre d’ISIS.

Une fois en possession de cette information hautement sensible, l’ensemble de la presse la diffusa partout dans le monde où on trouvait des Américains, notamment à Honolulu, sans se poser la moindre question. Bien entendu, quelques jours et un canard à dix cents plus tard, les Japonais revoyaient le calibrage de leurs mines.

Le vice-amiral Charles A. Lockwood, commandant de la flotte sous-marine dans le Pacifique, émit rapidement une déclaration selon laquelle, je cite, « Andrew May sera ravi d’apprendre que désormais, les Japonais règlent leurs bombes pour exploser plus bas ». Après la guerre, le même Lockwood affirmera que l’idiotie de May, largement soutenue par celle de l’ensemble de la presse nationale, coûta la vie à huit-cents personnes et envoya dix bâtiments par le fond.

La Banque d’Angleterre envoie les plans du Brexit au Guardian

Par analogie au Grexit de la Grèce, le Brexit représente l’hypothèse où le Brésil l’Angleterre quitterait l’Union Européenne. C’est moins un projet concret qu’un débat houleux agitant la sphère politique et économique anglaise, mais l’idée est ardemment défendue par une poignée de conservateurs, comme un peu partout.

Et à l’heure où un référendum approchait en Angleterre et où la question de l’Europe était à nouveau sur le tapis, il n’était pas surprenant que la banque nationale étudie l’impact qu’un retrait aurait sur l’économie. Le sujet étant sensible, il fallait juste éviter de le rendre public, par exemple en l’envoyant par erreur à la presse.

C’est en substance ce que rappelait Sir Jon Cunliffe, vice-gouverneur de la Banque d’Angleterre, dans un mail qu’il fit parvenir à quelques huiles de l’organisation travaillant sur le projet, nommé « Project Bookend ». Il insistait sur la confidentialité que le groupe de travail devait respecter, les règles à suivre pour mettre le moins d’employés possible au courant ou encore les façons de botter en touche au cas où la presse devait poser des questions.

Parmi les rares destinataires du message, Jeremy Harrison, chef du service de presse, le fit suivre à une poignée de subordonnés. Et comme la formule « autocomplete » est une chose magnifique et qu’à la Banque d’Angleterre on n’a pas le temps de vérifier les adresses, le mail fut promptement envoyé au Guardian.

« J'ai envoyé le message aux intéressés. Voulez-vous que je fasse aussi suivre le rapport sur les plans militaires pour reconquérir l'Inde ? »

« J’ai envoyé le message aux intéressés. Voulez-vous que je fasse aussi suivre le rapport sur les plans militaires pour reconquérir l’Inde ? »

Quelques secondes plus tard, toute la nation était bien sûr au courant. La Banque d’Angleterre répondit aux questions tant bien que mal, fit un peu de place dans son agenda pour accueillir un certain nombre de politiques désirant ardemment poser des questions et ordonna à tous ses employés de désactiver l’autocomplete.

Un porte-parole des Talibans joint toute la mailing liste en Cc

Le travail de l’attaché de presse d’une organisation terroriste consiste la plupart du temps à revendiquer des attentats et des massacres, puis à en rajouter une petite couche en signalant que c’est bien fait et que Dieu est content. C’est pas franchement sorcier, mais dès lors, ces gens-là sont exposés à l’un des pires ennemis de l’internaute :

Ce simple champ a ruiné bien des couples et des carrières.

Ce simple champ a ruiné bien des couples et des carrières.

Concrètement, pour rappel, si vous envoyez un mail à une ou plusieurs personnes, vous utilisez le champ « A » ; si vous incluez des destinataires dont vous n’attendez pas de réponse ou d’action spécifique, vous les joignez en « Cc ». Et si vous souhaitez préserver leur anonymat, vous les mettez en « Cci ».

Mais dans les faits, cette option est une bête tapie dans l’ombre attendant patiemment son heure pour vous plonger dans l’embarras, parce qu’elle sait qu’un jour où l’autre, vous allez mettre la mauvaise personne au mauvais endroit et vous serez comme ça :

Car lorsque le Destin se met en marche, il n'y a pas de retour arrière.

Car lorsque le Destin se met en marche, il n’y a pas de retour arrière.

Ce qui nous renvoie à notre attaché de presse taliban ; un jour qu’il reçut tel ou tel massacre à faire valoir, le bon Qari Yousuf Ahmadi accomplit son travail avec brio en faisant suivre la bonne nouvelle à tous les médias, ainsi qu’à une pléthore de Talibans. Sauf que vous l’aurez compris, il se prit les pieds dans le tapis et copia toute la liste d’e-mails des Talibans non pas en Cci, mais bien en Cc.

C’est ainsi que le monde entier fit la connaissance de nombreux membres de l’organisation terroriste, parmi lesquels le gouverneur d’une province afghane, plusieurs politiques plus ou moins bien placés, des académiciens, des journalistes et un chef de guerre local.

Si vous décidez de faire liquider quelqu’un, je suis à peu près convaincu que ce sera moi vous serez bien emprunté pour trouver un exécutant. Les assassins ne figurent pas dans l’annuaire, c’est comme ça ; très à cheval sur leurs garanties de discrétion, ils tendent à en faire un peu trop, quitte à en prétériter la demande. Et c’est très bien comme ça, parce que regarder comment certains s’y prennent pour en trouver un peut s’avérer assez comique.

Il ne faut pas confondre Facebook et Temple de la Main Noire

Courant 2010, le pimpant Corey Adams, en sortie de boîte de nuit, trouve les mots qu’il faut pour séduire une jeune femme qui s’était évanouie dans sa voiture et, après l’avoir tendrement déshabillée avec tout son amour et un couteau, entreprend un fougueux quoi qu’unilatéral échange d’étreintes en dépit de ses faibles protestations. Aussi, Corey finit-il promptement devant la justice pour être un violeur et, indirectement, un solide salopard.

« Et comment elle m’aurait dit non si elle était inconsciente, monsieur le juge ? »

« Et comment elle m’aurait dit non si elle était inconsciente, monsieur le juge ? »

Et comme il avait également la prétention d’être un insondable puits de sottise, il décida de se faire bruyamment justice et d’impliquer tout Facebook.

Vous connaissez tous un ou deux types qui accumulent les projets irrationnels tout en persistant à nier les difficultés qu’ils y rencontreront ; Corey est de ces gens-là. Dans une impressionnante combinaison de naïveté et d’impulsivité, il publia un statut sur son compte Facebook pour réclamer la tête de sa victime (littéralement) en précisant qu’il paierait 500 dollars celui qui la lui apporterait et que c’était urgent.

J’imagine que vous ne serez pas trop surpris d’apprendre que toute alléchante fut-elle, l’offre se trouva boudée par les professionnels. Par contre, la police, qui tend à froncer les sourcils lorsqu’une personne accusée de viol émet un appel au meurtre à l’encontre de la plaignante, s’intéressa à la question ; déjà jugé pour abus sexuel, Adams vit son dossier s’alourdir considérablement et, si l’on en croit l’absence de contrat d’assassinat émis à l’encontre du juge, retint sa leçon.

Peut-être moins méchante mais largement plus timbrée, Meredith Lowell consacra à la cause animale la sidérale nullité qu’elle est capable d’investir dans un projet de meurtre ; depuis un faux profil Facebook – je ne sais pas s’il faut porter cette précaution à son crédit ou la blâmer pour avoir cru que cela suffirait – la jeune femme de 27 ans chercha à créer une plate-forme d’où elle pourrait lâcher sa colère et ses assassins sur n’importe qui arborant une fourrure.

Ok, pas tout à fait n’importe qui : Meredith souhaitait que la victime soit âgée de douze ans au minimum, parce qu’elle n’est pas une créature sans cœur qui tue les enfants en fourrure, pour peu qu’ils existent.

Le juge aurait fermé les yeux si elle s’en était prise aux parents.

Le juge aurait fermé les yeux si elle s’en était prise aux parents.

Elle désirait aussi que son agonie ne dure pas plus de deux minutes – quand je vous disais qu’elle était gentille – et que la chose se déroulât devant la bibliothèque où elle travaillait, afin qu’elle ait le temps de se rendre sur place et de distribuer des tracts.

Contactée par un agent du FBI qui n’eut pas trop à forcer son talent pour infiltrer son réseau, elle fut arrêtée en un éclair pour la plus stupide sollicitation d’assassinat jamais intentée (affirmation que nous reconsidérerons avant la fin de l’article).

Il ne faut pas envoyer un gringalet

Les époux Susan et Michael Kuhnhausen n’étaient pas l’exemple type du mariage réussi : ils étaient séparés et Michael voulait tuer Susan. Et si le bonhomme n’était pas un mafieux entouré de seconds couteaux, il était ce qui s’en rapproche le plus, à savoir le propriétaire d’un magasin de films porno où travaillait un concierge déjà condamné pour meurtre dans sa jeunesse.

Ce dernier, Edward Dalton (si !) Haffey, accepta de liquider Susan pour 50’000 dollars et élabora un plan soigné. il nota scrupuleusement dans son agenda l’adresse et le numéro de l’alarme de la maison de Susan, ainsi que, tant qu’à faire, le nom et le numéro de téléphone de Michael, au cas où il avait des questions une fois sur place.

« J’ai un blanc : je suis dans le dos de votre ex avec un maillet, mais je ne sais plus ce que je dois faire. »

« J’ai un blanc : je suis dans le dos de votre ex avec un maillet, mais je ne sais plus ce que je dois faire. »

Une fois infiltré et, j’imagine, caché derrière un rideau, Ed attend le retour de Susan, puis, une fois celle-ci chez elle, passe à l’attaque en brandissant un marteau à clou.

Or, il faut savoir que Susan était de ces femmes qui présentait nettement plus de surface à aimer que la plupart de ses congénères ; son agresseur, au contraire, ne répondait pas à tous les critères qu’on attendrait d’un tueur qui a les tripes d’y aller au marteau. Il parvint à frapper Susan une fois à la tête avant de se faire désarmer, empoigner et jeter au sol.

Le combat se poursuivit au tapis, comme au judo. Et toujours comme au judo, il s’acheva par un étranglement. Incapable de prendre le dessus sur son imposante – et absolument héroïque – adversaire, Ed toussa et jappa en vain, agitant ses petites pattes dans le vide, et ne retrouva son souffle que lorsque Susan relâcha un peu son étreinte pour lui proposer de lui appeler une ambulance s’il abandonnait (Susan était infirmière et, de fait, se devait de porter secours à tous ceux qui avaient besoin d’aide, même ceux qu’elle asphyxiait).

Mise à jour de ma liste de femmes-badass légendaires : Ellen Ripley, Sarah Connor et Susan Kuhnhausen.

Mise à jour de ma liste de femmes-badass légendaires : Ellen Ripley, Sarah Connor et Susan Kuhnhausen.

Ed, qui était con, voulut en profiter pour se dégager, merda, et couic. Susan laissa son agresseur sur le carreau et courut chez des voisins, qui appelèrent la police (sans qu’on sache si c’était pour lui porter secours ou pour s’en protéger).

Lorsque les agents arrivèrent, ils se demandèrent un instant comment Ed, qui, soit dit en passant, était très mort, avait pu entrer sans déclencher l’alarme, ensuite de quoi ils trouvèrent son agenda dans sa poche et n’eurent qu’à y coller une étiquette « rapport de police » et le tendre au procureur.

Le résultat d'enquête de la police scientifique conclut que Susan est la réincarnation d’une divinité guerrière Inca oubliée.

Le résultat d’enquête de la police scientifique conclut que Susan est la réincarnation d’une divinité guerrière Inca oubliée.

C’est ainsi que Michael s’offrit dix ans derrière les barreaux, en plus d’une compensation d’un million de dollars qu’il dut verser à sa douce pour tort moral. Et si la malheureuse est devenue l’héroïne de tout son quartier, elle explique tout de même qu’il lui sera impossible d’oublier qu’elle a tué un homme.

Néanmoins, les jours qui suivirent l’agression, les nombreuses personnes qui tentèrent de la joindre en furent pour leurs frais, car elle… suivait une formation médicale. Sur son répondeur, elle avait enregistré le message suivant : « je ne peux pas répondre à tous les messages que j’ai reçu ces derniers jours. Je suis très touchée par tout votre soutien. Je veux que vous sachiez que nos vies sont toutes soumises à des risques d’actes imprévus, mais ceux que vous connaîtrez seront plus probablement des actes d’amour que des actes de violence. »

Alors permettez que je rectifie : d’abord Susan Kuhnhausen, ensuite Ellen Ripley et Sarah Connor.

Il faut que ça en vaille la peine

Le rêve américain nous apprend que quand on veut vraiment quelque chose, on finit invariablement par l’obtenir si l’on y consacre assez de pensées positives, d’enthousiasme et de posters de motivation. Même pas de suspense : c’est comme ça.

Un poster de motivation bien choisi vaut deux pensées positives et trois enthousiasmes.

Un poster de motivation bien choisi vaut deux pensées positives et trois enthousiasmes.

Si la méthode est infaillible, elle n’en est pas moins compliquée à mettre en œuvre et beaucoup se retrouvent marron après avoir fait quelque chose de travers avec leur positivisme et leurs posters ; à ceux-ci, il reste une autre facette de la société américaine : les flingues et la violence.

Jessica Sandy Booth a dix-huit ans, l’ambition de devenir top modèle et un problème pécunier : il lui faut trouver 7’900 dollars pour payer une agence de prospection, parce que tous les crimes aux States ne passent pas nécessairement par des meurtres. Heureusement, Jessica est dernièrement allée chez des gens qu’elle ne connaissait pas et y a vu une impressionnante pile de cocaïne, négligemment posée sur une table.

Apparemment, Jessica avait les fréquentations que l’on attend d’une jeune fille de dix-huit ans.

Apparemment, Jessica avait les fréquentations que l’on attend d’une jeune fille de dix-huit ans.

La demoiselle échafaude alors un plan : investir la baraque, buter tout le monde, faucher la came, la vendre et à elle les pubs Denim et les inaugurations de supermarchés. Autant pour les clichés sexistes de la belle roublarde profitant de la faiblesse des hommes : Jessica Sandy entre en mode Ouragan et déploie la subtilité de l’artillerie prussienne. Un bond de géant en direction de l’égalité des sexes, suivi d’un retentissant fracas. Vous allez voir.

La belle entre en contact avec un tueur (oubliez ce que je viens de dire sur l’égalité des sexes) qu’elle a trouvé je ne sais où et lui fait part de son plan, à savoir tuer quatre adultes plus les éventuels enfants présents sur place s’ils sont en âge de témoigner. Lui veut bien, après tout c’est son boulot, mais il y a un problème : il demande à être payé d’avance.

Trois fois hélas, les tueurs à gage ne fonctionnent pas selon le principe de l'honneur.

Trois fois hélas, les tueurs à gage ne fonctionnent pas selon le principe de l’honneur.

Tous deux finissent par se mettre d’accord : le bonhomme remet une paire de flingues et des munitions à Jessica pour qu’elle fasse le boulot elle-même, ensuite de quoi elle le paie avec l’argent de la coco. C’est totalement comme ça que ça se passe dans le milieu.

Jessica accepte, se rend à la maison en question avec son nouvel ami, s’apprête à passer à l’action et se fait coffrer, parce que le type, évidemment, était de la police. Ses armes étant encore plus défectueuses que son sens moral, la belle n’a d’autre choix que de se rendre.

Quant aux occupants de la maison, ils reçurent bien sûr la visite des agents qui n’avaient pas complètement occulté l’histoire de la cocaïne. Totalement abasourdis, ils invitèrent spontanément les policiers à constater par eux-mêmes qu’ils ne disposaient pas d’une énorme réserve de drogue bêtement plantée au su et vu de tous.

Par contre, ce qu’ils possédaient en quantité, c’était du queso fresco, un fromage blanc mexicain qu’ils employaient régulièrement en cuisine. Il était négligemment posé sur une table, au mépris absolu des risques élevés d’être confondu avec de la drogue par une jolie fille et de valoir à toute la maisonnée de se faire massacrer.

Si elle avait eu un tout petit peu plus d'expérience dans le mannequinat, elle n'aurait jamais pu confondre fromage blanc et cocaïne.

Si elle avait eu un tout petit peu plus d’expérience dans le mannequinat, elle n’aurait jamais confondu fromage blanc et cocaïne.

En passant, la jolie fille en question dispose de quinze ans pour préparer son grand retour sous les projecteurs.

Lorsqu’il a dû être décidé si l’on devait autoriser le mariage entre personnes du même sexe, le débat qui en a découlé à duré environ trois secondes avant d’être entièrement recouvert par le tonitruant « jamais de la vie ! » vociféré à pleins poumons par les gens les moins concernés par la question.

Pour peu qu'ils l'aient comprise.

Pour peu qu’ils l’aient comprise.

La virulence des échanges qui suivirent fut impressionnante. Et j’ai beau savoir que l’opposition portait aussi sur la question de l’adoption, j’ai par principe un problème avec ceux qui manifestent pour dénigrer à autrui un droit dont ils bénéficient. Mais on ne va pas trop s’attarder sur ce point, nous ne sommes pas ici pour juger la pensée des intégristes.

Nous sommes ici pour juger leurs actes.

Et leur slogans inspirés.

Et leur slogans inspirés.

Parce que tandis que la légalisation du mariage gay se propageait d’un pays à l’autre comme un affreux virus de Satan, ses opposants envoyèrent de par le vaste monde d’ultimes messages désespérés, dans lesquels ils mirent… Euh… Eh bien ça :

Le lépidoptère catholique, Paris

L’Alliance Vita est un peu le noyau dur de votre paroisse, mais à l’échelle de toute la France. Bigots conservateurs, vous les verrez régulièrement se dresser contre des concepts controversés, tels l’avortement, l’euthanasie ou le progrès. Sur le papier, leur raison d’être est de promouvoir la protection de la vie et la dignité humaine.

Vous voyez ici l’Alliance Vita en train de nous sensibiliser à la dignité humaine.

Vous voyez ici l’Alliance Vita en train de nous sensibiliser à la dignité humaine.

Alors évidemment, avec un CV pareil, vous vous doutez bien que Vita avait son avis sur la question du mariage gay et c’est d’ailleurs à cette occasion qu’ils engendrèrent le machin ci-dessus. Je ne publie pas la vidéo sur mon blog car j’ai trop peur que ça fasse sortir la créature de mon écran, mais si vous voulez savoir ce qui s’y passe, sachez que durant les deux minutes et dix secondes qu’elle dure (laps de temps qui m’est perdu à jamais, soit dit en passant), on y voit la bête tituber maladroitement entre deux groupes de manifestants tandis que le reste de la clique clame « papa » ou « maman » en une terrifiante litanie. Et à la fin, au lieu de s’effondrer foudroyé par la honte, le bonhomme vient battre majestueusement des ailes devant la caméra.

Pendant que le groupe récite cérémonieusement son slogan visant à rappeler que légaliser le mariage homosexuel revient apparemment à mentir aux enfants.

Pendant que le groupe récite cérémonieusement son slogan visant à rappeler que légaliser le mariage homosexuel revient apparemment à mentir aux enfants.

Comme vous l’aurez compris, le message est que seules ses deux ailes représentant papa et maman peuvent offrir à ce bon chrétien l’équilibre nécessaire pour prendre son envol et s’en aller butiner le nectar de la vie éternelle, tel l’hétérodoptère que Dieu exigeât qu’il soit.

Moralité : choisissez d’être hétérosexuel.

Dans les faits toutefois, on se sent surtout en face d’une sorte de tragique parodie de superhéros accidentellement conçue par une poignée de zélotes tellement perchés qu’il ne réalisent pas à quel point leur numéro n’a aucun sens.

Les Poules de la Vengeance du Christ, Paris itou

En France, où le combat contre le mariage pour tous atteignit une dimension homérique, on aurait eu tort de croire qu’une fois la loi acceptée on allait sagement rentrer dans le rang du côté de l’opposition. Au sein du collectif « manif pour tous », regroupant sous un nom qui ne veut rien dire une bonne partie des homophobes français, on médita une implacable vengeance.

La bonne nouvelle : les Français n’ont pas perdu leur verve contestataire. La mauvaise nouvelle : les Hugo, Zola, Desproges et autres Coluche ont été remplacés par Frigide Barjot.

La bonne nouvelle : les Français n’ont pas perdu leur verve contestataire. La mauvaise nouvelle : les Jaurès, Zola, Desproges et autres Coluche ont été remplacés par Frigide Barjot.

En décembre 2013, des militants acheminèrent une camionnette devant le bâtiment de l’Assemblée à Paris, en ouvrirent les portes arrières et éjectèrent une quarantaine de poules, certaines à coups de pompes, avant de détaler avec les centaines qui n’avaient pas quitté le véhicule (et qu’on retrouva plus tard abandonnées dans le bois de Boulogne) parce que la police arrivait.

Comme la loi sur le mariage avait été entérinée en mai de cette année, vous comprendrez qu’on ne saisit pas immédiatement l’allusion. Et tandis que les malheureuses bêtes paniquaient et que la police cherchait à les rassembler, un tweet kikoolol du collectif revendiqua la manœuvre :

Remarquez le petit smiley à l'attention des gens qui ne comprennent pas la blague.

Remarquez le petit smiley à l’attention des gens qui ne comprennent pas la blague.

« Les « poulets » ne savent pas comment gérer les poules », nous assène l’organisation dans un remarquable accès de spiritualité que Trissotin aurait salué. L’association de défense des animaux Brigitte Bardot arriva ventre à terre récupérer la volaille – moins les quatre bêtes qui s’étaient déjà faites décalquer sur la route – tandis que manif pour tous clamait sa victoire sur la raison.

Pourquoi le poulet a-t-il traversé la route ? Parce que les gars de manif pour tous sont des ploucs.

Pourquoi le poulet a-t-il traversé la route ? Parce que les gars de manif pour tous sont des ploucs.

Inutile de dire qu’à l’heure qu’il est, on n’est toujours pas sûr d’avoir compris quel genre de message le collectif essayait de faire passer de cette manière. Et tandis que l’association Brigitte Bardot porta plainte pour cruauté envers les animaux, le gouvernement n’annula pas la loi sur le mariage entre homosexuels ; dès lors, on imagine que les organisateurs doivent se sentir un peu désemparés. Parce que si libérer quarante gallinacées en plein Paris ne suffit pas à abroger une loi, il y a de quoi se sentir impuissant.

Les Irlandais ont l’ouïe fine

Alors que le référendum devant légaliser le mariage gay approchait en Irlande, quelques bons chrétiens du pays des leprechauns s’unirent et, sans se montrer au grand jour pour des raisons que vous allez comprendre incessamment, lancèrent leur propre campagne d’opposition en combinant deux forces irrésistibles de la démocratie : les enfants et le hors-sujet. Et ce, avec un brio remarquable :

Le Père Turbé et l’Abbé Ration vous présentent leur campagne contre le mariage gay.

Le Père Turbé et l’Abbé Ration vous présentent leur campagne contre le mariage gay.

« Les enfants doivent-ils être soumis aux sons de la sodomie ? » nous assène froidement ce flyer massivement distribué dans toute la nation, soulevant une question dont l’existence seule oscille déjà entre l’exploit et l’incongruité. Et tandis que l’on se demande quel genre d’horribles sodomies a pu être pratiqué dans l’entourage des auteurs du prospectus durant leur enfance, on en vient vite à réaliser qu’il y a pire, à savoir l’espèce de sinistre main sortie de nulle part à laquelle s’agrippe la petite fille du premier plan. Qu’est-ce que c’est que cette horreur ?

Néanmoins, alors qu’on menait campagne contre une loi qui, si l’on en croit ses opposants, déboucherait sur de retentissantes sodomies pratiquées à portée d’oreilles enfantines dans tous les coins d’Irlande (parce que logiquement, une fois que les gays se marieront, ils en viendront immédiatement à se grimper publiquement dessus à tout bout de champ, comme les hétéros), la consternation déclenchée par ce prospectus produisit l’effet inverse qu’escompté tandis que les parodies fleurissaient sur la toile.

Le Père Turbé et l’Abbé Ration vous présentent leur campagne contre le mariage gay.

Des Juifs engagent et déguisent des Mexicains pour manifester

Pour répondre à l’importante question de savoir comment on combine un message biblique à une idée que tout auteur de BD satyrique aurait adoré avoir, c’est, curieusement, vers le Judaïsme qu’il faut se tourner :

C’eut été hilarant dans une BD, et aussi un peu raciste. Et complètement antisémite. Finalement, c’est peut-être bien que ce soient des Juifs qui aient eu l’idée, sinon ils se seraient fait dégommer par leurs propres défenseurs.

Car c’eut été hilarant dans une BD, quoi qu’un peu raciste. Et complètement antisémite. Finalement, c’est peut-être bien que ce soient des Juifs qui aient eu l’idée, sinon ils se seraient fait dégommer par leurs propres défenseurs.

Aux USA, la gay pride de 2015 revêtait une signification particulière puisque l’on venait d’entériner le mariage entre personnes du même sexe dans la constitution. Il était donc à peu près certain que les plus braqués des religieux allaient y faire un petit crochet (parfois littéralement), le temps de rappeler à tout ce beau monde qu’ils brûleront en enfer et que ça sera bien fait.

Les Chrétiens modérés étaient aussi de la fête, rassurons-nous.

Les Chrétiens modérés étaient aussi de la fête, rassurons-nous.

Du côté des Juifs toutefois, on tomba sur un os : ils n’étaient pas assez nombreux pour former ne serait-ce qu’un groupe assez conséquent pour qu’on comprenne qu’il s’agissait bien d’une manifestation et non pas d’une bande de potes se répandant en propos homophobes. C’est certainement tout à l’honneur des Juifs s’ils ne parviennent pas à mobiliser assez de monde pour pourrir une gay pride, mais rassurons-nous, on trouva une solution, laquelle, disons-le, n’arrangea rien aux stéréotypes :

Que vous soyez raciste, homophobe, antisémite ou les trois à la fois, vous allez adorer cette photo.

Que vous soyez raciste, homophobe, antisémite ou les trois à la fois, vous allez adorer cette photo.

Du côté du comité auquel on doit l’idée, on se défend en avançant que ces honnêtes travailleurs ont été engagés pour remplacer les jeunes et les étudiants, qu’on voulait faire participer mais qu’on cherchait aussi protéger des horreurs qu’ils y verraient (comme par exemple des Mexicains déguisés en Juifs) s’ils étaient présents.

J’ai déjà évoqué dans un blog antique la grande affection que je porte à ceux qui prétendent mener leurs combats au nom des enfants pour se donner une contenance, mais s’il faut quand même reconnaître un mérite à cette idée, c’est qu’il est excessivement rare que les costumes les plus improbables d’une gay pride se trouvent de l’autre coté des barrières.

Nous ne sommes pas impressionnés, jeunes gens. À quelques mètres d’ici, il y a un cosplay chicano-judaïque.

Nous ne sommes pas impressionnés, jeunes gens. À quelques mètres d’ici, il y a un cosplay chicano-judaïque.

Pour beaucoup, une relation amoureuse est comme un beau couscous : c’est super, mais au bout d’un moment c’est fini. Partout dans le monde, les gens cherchent le secret pour faire durer leur couscous toute leur vie et je réalise maintenant que ce n’était pas une bonne métaphore.

Bien entendu, chacun a son idée sur la démarche à entreprendre et, à ce titre, internet foisonne de conseils de tout poil destinés à vous maintenir sur les rails de l’Amour (ce n’est pas mon jour pour les allégories).

Incidemment, internet propose aussi des solutions à ceux qui finissent malgré tout célibataires.

Incidemment, internet propose aussi des solutions à ceux qui finissent malgré tout célibataires.

Car en vérité, nous aimerions tous connaître un amour propre à nous accompagner toute notre vie, si bien qu’au crépuscule de celle-ci, notre main ridée serait tenue par celle à laquelle on passait l’anneau plusieurs décennies auparavant.

Si possible sans que nos dernières paroles à son attention soient « laisse-moi crever en paix, insupportable harpie de l'enfer ! »

Si possible sans que nos dernières paroles à son attention soient « laisse-moi crever en paix, insupportable harpie de l’enfer ! »

Mais ce que l’on ignore trop souvent, c’est que le romantisme est parfois un horizon bien éloigné lorsqu’on le contemple depuis le chemin que l’on accomplit à deux. La science, avec sa détestable habitude de prendre nos acquis à contre-pied, verse sur nos coutumes les plus tendres le plein contenu du jerrycan de la réalité statistique avant d’y craquer l’allumette de la leçon à en retenir.

En conséquence, voici quelques conseils propres à faire tenir votre union jusqu’à la fin, si tant est qu’elle n’y mette pas un terme le jour où vous l’évoquerez.

Faites chambre à part

Dans le mythe de la vie à deux, vous vous endormez paisiblement lové dans les bras de l’être aimé et, le lendemain matin, la première chose que vous voyez au réveil, ce sont ses yeux plein d’amour et son sourire amène.

Dans la réalité toutefois, vous restez collés l’un contre l’autre pendant peut-être cinq minutes lors de votre première nuit ensemble avant de vous exiler chacun à tout jamais sur votre extrême-côté du lit. Et au réveil, la première chose sur laquelle se posent vos yeux bouffis de sommeil, c’est le dos flasque de votre partenaire ronflant bruyamment en bavant abondamment sur son coussin.

Hideux mensonge.

Hideux mensonge.

Mais s’il est une chose que l’on sait, c’est qu’une grande part de notre bien-être dépend de la qualité de notre sommeil ; on estime que la privation de repos est plus vite fatale que la privation de nourriture et vous habituer à des nuits trop courtes est néfaste autant pour votre organisme que pour votre humeur. Et vous savez pour qui d’autre c’est néfaste ? La personne qui partage votre vie, bien sûr. Par rebond. Parce qu’elle n’a pas toujours envie de vous voir vous traîner comme une ombre d’aigreur et vous préfère lorsque vous êtes alerte et pimpant que revêche et amorphe. C’est comme ça.

Et ça va plus loin : si votre partenaire est grincheux au saut du lit, c’est peut-être bien de votre faute ; vous qui l’emmerdez déjà assez quand vous êtes réveillé, vous en repassez inconsciemment une couche pendant votre sommeil, impactant négativement son repos en moyenne six fois par nuit, que ce soit en vous tournant sur vous même (ou mieux, sur lui-même), en tirant la couette, en agitant vos pieds glacés, en squattant toute la place ou en vous réveillant d’un terrifiant cauchemar par vos propres hurlements.

Les célibataires connaissent aussi des problèmes d'espace restreint.

Les célibataires connaissent aussi des problèmes d’espace restreint.

Et si vous rajoutez encore les bons vieux ronflements, estimés compromettre jusqu’à deux heures de sommeil à votre moitié par nuit, à cette poudrière, vous vous retrouvez avec une situation qui empire avec le temps et peut tout à fait aboutir à une rupture. Du reste, d’après les conseillers matrimoniaux, le divorce est plus courant chez les couples dont les habitudes de sommeil sont différentes.

Donc oui, la solution évidente pour sauver votre couple et d’aller dormir sur le canapé (messieurs). C’est pour cela que dans les pays occidentaux le taux de couples faisant chambre à part a pratiquement triplé en quinze ans, et que l’on estime que d’ici quelques temps la plupart des maisons compteront deux chambres pour adultes.

Bien sûr, il y a d’autres solutions et chaque couple se débrouille à sa façon. Mais il n’empêche que le concept de dormir à deux est apparemment récent dans nos cultures, de même que celui de partager la même couette, coutume désastreuse pour votre sommeil tant mérité et, donc, votre couple.

Agendez le sexe

On connaît la musique : au début d’une relation, on se saute dessus à tout bout de champ et à chaque fois, c’est comme si on ne l’avait plus fait depuis l’invention de la machine à vapeur. Et vas-y que je te plante griffes et crocs, et tant pis pour les voisins et pour ce qu’il y avait sur la table : c’est l’amour.

C'est aussi dans ces moments-là qu'on tend à vous confondre un peu avec un château gonflable, mais c'est un autre débat.

C’est aussi dans ces moments-là qu’on tend à vous confondre un peu avec un château gonflable, mais c’est un autre débat.

Mais on sait aussi qu’avec le temps l’ardeur refroidit, finalement comme avec n’importe quoi d’autre : c’est super d’avoir le DVD d’Apocalypse Now, mais ce n’est pas pour autant qu’on va le visionner deux fois par jour. Notre flemmard de cerveau cesse de produire le petit machin qui nous rend tout fripon et c’est le retour à la réalité, sauf qu’on est en couple.

Et voilà qu’au fil des mois, le sexe perd son statut d’activité évidente que l’on pratique dès qu’on a une minute pour devenir une simple habitude de consommation, un peu comme la grande rasade de gin que vous vous envoyez au réveil. Et selon l’emploi du temps des membres du couple, on en vient vite à réaliser qu’on n’a presque plus de temps à consacrer à grimper aux rideaux.

« Là ? Maintenant ? Mais chérie, combien d'autres occasions aurons-nous de voir un match de foot amical entre l’Équateur et la Bulgarie ? »

« Là ? Maintenant ? Mais chérie, combien d’autres occasions aurons-nous de voir un match de foot amical entre l’Équateur et la Biélorussie ? »

C’est ainsi que certains couples généralement satisfaits de leurs relations en viennent à connaître des périodes de plus en plus longues sans échanger de rapports.

Seulement, et c’est là que ça devient astreignant, la vie sexuelle est un facteur important pour la santé d’un couple ; abstenez-vous, et vous obtiendrez l’inverse : c’est la santé du facteur qui deviendra importante pour la vie sexuelle du couple (enfin, d’une partie). Des échanges réguliers sont en tous points bénéfiques, que ce soit pour le moral ou pour l’organisme.

C’est pour cela que, lorsque vous réalisez que vous ne trouvez plus de temps à consacrer au sexe, les chercheurs vous recommandent d’abaisser le couvercle du tombeau de votre romantisme et d’aller chercher votre fichu agenda.

« Votre emploi du temps ? Mais volontiers monsieur le directeur. Vous avez rendez-vous avec M. Deschamp à 16 heures, la séance des finances à 18 et, à 20 heures, vous avez noté « liaison directe Sulfurail pour Hophopville ». Vous voulez que je prenne les PV ? »

« Votre emploi du temps ? Mais volontiers monsieur le directeur. Vous avez rendez-vous avec M. Deschamp à 16 heures, la séance des finances à 18 et, à 20 heures, vous avez noté « liaison directe Sulfurail pour Hophopville ». Vous voulez que je prenne les PV ? »

Alors évidemment, vous imaginez les réactions des internautes à l’idée d’agender les séances de cul comme des rendez-vous chez le coiffeur : les commentaires oscillent entre « mais pas du tout, c’est pour les nuls, avec moi c’est tac-tac-comme-ça, hein poulette ? » et « ces pratiques conviennent à des personnes pourvues de préférences sexuelles anticonformistes quoi que légales » et je vous avoue avoir quelque peu habillé la pensée émise par ce dernier exemple de termes plus courtois qu’initialement exprimés.

Mais songez-y : agender, ça peut vouloir dire créer une attente, en jouant là-dessus vous pouvez tout à fait produire un contexte positif, même si, je vous l’accorde, une grande part de la spontanéité gît dans la corbeille, juste à côté de vos illusions de jeunesse. Seulement voilà, la Science nous psalmodie que nos organismes préfèrent la solution de l’agenda à celle de l’impulsive fougue à laquelle notre société nous a appris à croire.

Ah, et vous voulez une autre bonne nouvelle ? Toujours selon les scientifiques, si vous ne parvenez pas à agender des rapports de façon relativement régulière, le mieux est encore de vous en abstenir complètement, afin d’éviter d’occasionner des pics d’hormones générant des sautes d’humeur.

Mais il est permis de croire qu'à ce stade, les scientifiques veulent juste se venger de la société dans laquelle ils ont grandi.

Mais il est permis de croire qu’à ce stade, les scientifiques veulent juste se venger de la société dans laquelle ils ont grandi.

Passez moins de temps ensemble

Ce n’est pas nouveau, il y a deux écoles de pensée pour le couple : il y a ceux qui le voient comme une paire d’adorables koalas duveteux qui passent la première partie de leurs vies à se chercher puis le reste blottis l’un contre l’autre dans leur arbre à faire des petits, et il y a ceux qui le perçoivent comme une union de deux personnes qui cherchent à se voir le moins possible.

Ayez une petite prière pour le juste milieu, qui n'a pas survécu aux rigueurs de cet article.

Ayez une petite prière pour le juste milieu, qui n’a pas survécu aux rigueurs de cet article.

Ça dépend de ce que vous attendez de la vie, je suppose, ainsi que du chemin qu’a pris la vôtre. Toujours est-il qu’à une époque où les célibataires sont de plus en plus nombreux et où les divorcent sont devenus une banalité, on ne peut pas s’empêcher de constater que le monde du couple a changé, ou du moins n’est pas tel qu’on l’a cru. Beaucoup de couples finissent par céder à l’usure.

Parce que vous vous souvenez de ce qu’on disait plus haut à propos d’Apocalypse Now (et des métaphores) ? C’est quand même dommage de se lasser d’un tel film, mais au bout d’un moment, les « elle durera pas toujours, cette guerre » et les « on les découpe à la mitrailleuse et on leur refile un pansement », on les a assez entendus. Or, je crois que le voisin a le DVD de Platoon.

J'admets que mes allégories nuisent autant au romantisme que la recherche scientifique.

J’admets que mes allégories nuisent autant au romantisme que la recherche scientifique.

Oui d’accord, à la base c’était une métaphore sur le sexe, mais je ne suis pas en train de vous dire que tromper son partenaire est sain pour le couple. Vous voyez de toute façon où je veux en venir : si vous n’entreprenez rien, au bout d’un moment, vous allez vous lasser de l’autre.

C’est du moins le résultat de quelques études menées aux États-Unis. La banalisation du divorce mène beaucoup de mariages à la ruine, mais dans le même temps, les couples s’estiment globalement plus heureux aujourd’hui que lorsqu’on leur posait la question il y a ne serait-ce que vingt ans. De même, les violences domestiques ont passablement diminué et sont à l’heure actuelle beaucoup plus mal perçues qu’à l’époque.

Et si le divorce est aujourd’hui plus répandu, c’est en partie parce qu’on tend maintenant à conserver un réseau d’amis et d’activités que l’on ne partage pas forcément avec sa moitié. Moins livrés à nous-mêmes en cas de rupture, nous ne craignons plus cette dernière autant qu’avant et y recourons donc plus facilement.

Mais garder des aspects de notre vie hors de notre couple est aussi un bon moyen d’éviter de tomber dans la routine et de conserver à la fois le moral et une part d’inconnu pour votre moitié ; du reste, certains poussent ce concept si loin qu’il devient de plus en plus courant pour les couples de passer des vacances chacun de son côté, avec des amis.

Évitez quand même le/la torride ex-partenaire.

Évitez quand même le/la torride ex-partenaire.

Ok ok, j’ai compris : vous êtes à cran. Ce n’est pas difficile à deviner, parce que qui ne l’est pas ? Alors, qu’est-ce qui vous rend malheureux comme ça ? C’est votre travail qui vous étouffe ou le chômage qui vous mine ? Est-ce le célibat qui vous érode ou votre couple qui part en hélice ? Votre vie est-elle trop torturée ou trop vaine ?

Bienvenue dans une nouvelle session de « soyons heureux avec Labo » ! Leçon d'aujourd'hui : le sens de la vie.

Bienvenue dans une nouvelle session de « soyons heureux avec Labo » ! Leçon d’aujourd’hui : le sens de la vie.

Heureusement, quelle que soit la façon dont l’existence s’en prend à vous, ce ne sont pas les moyens de vous détendre qui manquent ; oh certes, vos problèmes seront toujours là un lendemain de cuite, mais au moins, pendant un moment, vous n’y pensiez plus.

Même chose avec une bonne séance de sport.

Même chose avec une bonne séance de sport.

Et de temps à autres, pourquoi ne pas recourir à du lourd ? Il existe des endroits entièrement dévolus à votre bien-être, où des armées de masseurs vous attendent en se faisant craquer les phalanges, où des jarres sont pleines à ras bord d’huiles aromatisées ne demandant qu’à être déversées sur vos muscles tendus, où des bassins d’eau chaude vous invitent à vous relaxer dans le confort de leurs bulles. En ces lieux, votre quiétude est au cœur des préoccupations et l’on rivalise d’inventivité pour trouver des moyens de décrisper jusqu’aux plus tordus d’entre vous.

Avant

Avant

Après

Après

Parce qu’après tout, il en faut pour tous les goûts. Mais vraiment : tous.

Massage par des éléphants

Si vous avez des gros, très gros soucis, un masseur conventionnel ne suffit plus : il faut un éléphant. Ceci est désormais possible à Chiang Mei, dans le nord de la Thaïlande.

À l'image : la merveilleuse communion avec la nature.

À l’image : la merveilleuse communion avec la nature.

Une séance de massage sous les pattes et trompes expertes de ces bienveillants pachydermes vous vaudra d’oublier tous vos soucis, ou du moins la proportion d’entre eux qui n’ait pas directement de rapport avec le fait que vous soyez en train de vous faire masser par un éléphant. Et si vous n’êtes pas tranquille à l’idée de confier votre bien-être à une bête aussi imposante, sachez que vous pouvez demander un éléphanteau, qui ne pèse qu’une demi-tonne.

Un vrai touriste marque plus de points à désacraliser en une seule visite à la fois le monde animal et l'enfance d'une créature innocente.

Un vrai touriste marque plus de points à désacraliser en une seule visite à la fois le monde animal et l’enfance d’une créature innocente.

Et bien sûr, vous avez d’un côté ceux qui nous assurent que ces éléphants sont heureux, bien nourris et se roulent dans les champs en barrissant d’allégresse et, de l’autre, ceux qui jurent que les bêtes sont soumises à d’interminables séances de torture pour leur apprendre le métier. Dans tous les cas, l’activité fait fureur auprès des touristes, lesquels, de toute façon, ne sont probablement pas trop à cran sur l’éthique s’ils ne trouvent pas qu’un éléphant fait déplacé dans un salon de massage.

Mais certains touristes ne pensent pas comme tout le monde.

Mais certains touristes ne pensent pas comme tout le monde.

Ceci dit, cela ne signifie pas que des animaux pourvus d’un moins gros capital de sympathie conviendront mieux à une telle fonction. D’ailleurs…

Massage par des serpents

Pour la plupart des gens, se retrouver étendu sous quatre énormes serpents totalisant 250 kilos serait une situation avant-tout perçue comme stressante. Pour les autres, le zoo de Cebu aux Philippines a juste ce qu’il leur faut.

L'idée est que vous relativisez vos soucis quotidiens lorsque vous avez ça sur le ventre.

L’idée est que vous relativisez vos soucis quotidiens lorsque vous avez ça sur le ventre.

Une séance de massage dure entre dix et quinze minutes, au cours desquelles les affectueux reptiles se loveront sur votre corps en vous sifflant des mots d’amour, vous valant d’évacuer votre stress tout en livrant les noms de vos camarades.

Afin qu’elles ne se fassent pas d’idées, les bêtes sont copieusement nourries avant d’être entassées sur le visiteur. Malgré tout, il y a quelques règles à respecter lorsqu’on est là-dessous, parmi lesquelles ne pas souffler sur les serpents qui interpréteraient ça comme une agression, ou ne pas avoir peur, car les bêtes pourraient le sentir et mal réagir. Aussi, il ne faut pas crier ; donc lorsque vous commencez à paniquer et que vous sentez ces puissants prédateurs devenir nerveux et s’agiter, chut !

J’ignore les conditions de traitement des reptiles, comme d’habitude on lit de tout sur internet ; beaucoup évitent délibérément certains pays d’Asie soupçonnés de maltraiter les animaux qu’ils exploitent pour le tourisme, préférant baser leurs destinations de vacances sur des critères éthiques. Si c’est votre cas et que vous souhaitez éviter les Philippines, sachez que vous pouvez vivre une expérience relativement similaire en Israël, encore que je ne suis pas sûr que ça réglerait votre problème. Là-bas, ce ne sont pas quatre léviathans qui vous rampent dessus, mais une nuée de serpents de tailles petites à moyennes qui grouilleront sur votre être terrifié pour septante dollars.

Vous pouvez donc réaliser votre pire phobie pour une somme relativement modeste.

Vous pouvez donc réaliser votre pire phobie pour une somme relativement modeste.

Massage aux diamants

Dans le fond, il semblerait que certaines personnes nourrissent la curieuse obsession de vouloir détendre des gens par des moyens diamétralement opposés au concept même de la détente ; mais dès lors, vous pensez bien qu’il a fallu trouver une version pour les très riches, qui ont, eux aussi, besoin d’évacuer l’important stress généré par la constante recherche de façons toujours plus délirantes de dépenser leur argent.

Et bien on ne s’est pas fait péter les plombs : les riches aiment les massages et les diamants ? Bam ! Massage de diamants. Le service est proposé en Californie par une association entre la manufacture de diamants Hearts on Fire et le service de bien-être Spa on Location.

Il y a une version pour pauvres avec de la limaille de fer et de la sciure.

Il y a une version pour pauvres avec de la limaille de fer et de la sciure.

L’idée consiste à venir chez vous avec un million de dollars en diamants, qu’on répartit sur votre corps pendant le massage et voilà. Je n’ai pas trouvé le prix officiel du traitement, mais j’ai lu un 25’000 dollars sur Cracked.

Dans les services annexes, vous avez la pédicure appliquée avec un mélange de chocolat, de truffes et de framboises, la lotion capillaire à base de caviar ainsi qu’un massage facial aux feuilles d’or.

L'unique bienfait de ce traitement consiste à savoir que vous avez sur la figure ce que la plupart des terriens ne peuvent s'offrir en une vie.

L’unique bienfait de ce traitement consiste à savoir que vous avez sur la figure ce que la plupart des terriens ne peuvent s’offrir en une vie.

Apparemment très prisé par certaines stars, le « Dream Girl Diamond Massage » est reconnu pour plusieurs bienfaits, parmi lesquels le retardement du vieillissement ainsi que ses effets détoxifiants contre les vagues électromagnétiques de la pollution de la peau (désolé, mais j’ai traduit du mieux que j’ai pu).

« Je sens les vagues électromagnétiques de la pollution de ma peau se détoxifier à grande vitesse grâce au pouvoir de l'extrême richesse! »

« Je sens les vagues électromagnétiques de la pollution de ma peau se détoxifier à grande vitesse grâce au pouvoir de l’extrême richesse! »

Et si les ressources investies par les très riches dans leur bien-être vous paraissent d’un autre monde, et bien vous ne croyez pas si bien dire : pour quelques 400 dollars, vous pouvez acheter la Meteorite face cream, composée entre autres de résidus de météorite dont les matériaux, qu’on estime dater de 4.5 milliards d’années, sont riches en éléments essentiels provenant de la pureté du fond des âges qui ne peuvent qu’être bénéfiques pour votre épiderme. Je ne sais pas si les acheteurs de ce produit sont conscients du fait que la Terre, qui est après tout aussi un caillou de l’espace, a exactement le même âge que la météorite, mais baste. Sur le même site, vous pourrez également vous intéresser à des alternatives moins onéreuses, parmi lesquelles la crème à base de venin d’abeilles, de placenta ou de déjections d’oiseaux. Faites votre choix.

Et pour finir, quelque chose de beaucoup moins extrême, de tout aussi délirant et de beaucoup plus joyeux, j’ai nommé…

Nager dans la picole !

On dit que lorsque consommé avec modération, le vin, la bière ou le saké auraient divers effets bénéfiques, mais je pense que ça s’applique surtout si on en boit. Si on s’y immerge, je ne sais pas ; j’aurais imaginé qu’entre les vapeurs et l’alcool qui s’infiltre par tous les pores on finirait vite sur le toit, mais apparemment j’avais tort.

Triste monde où l'on ne peut plus se fier aux rigoureux enseignements de Tintin.

Triste monde où l’on ne peut plus se fier aux rigoureux enseignements de Tintin.

Parce que si vous vous rendez au Japon, et plus précisément dans le Kowakien Yunessun, le plus grand spa du pays, on vous y invitera à vous baigner dans des bassins remplis de vin.

On aurait pu se douter que les Japonais auraient leur propre vision de la modération.

On aurait pu se douter que les Japonais auraient leur propre vision de la modération.

La piscine est remplie de Beaujolais Nouveau, qui est paraît-il le vin le plus populaire au Japon (ne faites pas cette tête, allez savoir ce qu’ils diraient s’ils voyaient quel saké on boit chez nous). Si vous êtes autorisés à boire directement dans le bassin, je ne saurais que trop vous recommander de vous en abstenir, ce d’autant qu’on remplit vos verres depuis le bord par le biais de bouteilles dans lesquelles personne ne s’est baigné.

« Plutôt un verre d'eau s'il vous plaît, je ne bois pas d'alcool. »

« Plutôt un verre d’eau s’il vous plaît, je ne bois pas d’alcool. »

Et pour ceux qui désirent s’ouvrir aux produits locaux, il y a le saké-spa. Il faut admettre que la boisson, qui se consomme chaude, convient à ce titre mieux à la baignade.

La fille au fond à droite nous dirait sûrement que c'est mieux si on aime le saké.

La fille au fond à droite nous dirait sûrement que c’est mieux si on aime le saké.

Quant à la bière, c’est en Autriche que ça se passe, dans le château de Starkenberger.

La baignade est excellente pour la pousse de la barbe, mais ne ralentit pas la chute des cheveux.

La baignade est excellente pour la pousse de la barbe, mais ne ralentit pas la chute des cheveux.

La bière, brassée sur place, emplit de larges bassins d’où vous pouvez commander des boissons fraîches et vous relaxer en discutant du gaspillage de ressources dans le monde. Vous ne pouvez par contre pas boire directement dans la piscine, des fois que vous seriez tenté par une bière chauffée dans laquelle vous et vos amis baignez jusqu’au cou.

L’enfance est une période de la vie au cours de laquelle la plupart des adultes vont vous aimer sans condition, ensuite de quoi vous entrez dans l’adolescence et ça devient exactement l’inverse.

Ce qui importe peu, étant donné que vous arrêtez de les écouter.

Ce qui importe peu, étant donné que vous arrêtez de les écouter.

Dès lors, il est important d’inculquer aux petiots quelques notions des rigueurs de l’existence qui les attend, afin de leur éviter autant que possible d’avoir à les apprendre à la dure. Pour ce faire, on aura recours à quelques leçons teintées d’empathie et de pédagogie, on tâchera de trouver les mots pour les sensibiliser.

C’est certainement l’une des tâches les plus ardues des enseignants ; or, s’il est une chose que j’ai apprise sur ces gens en fréquentant tout le monde sauf eux, c’est qu’ils n’ont pas le droit de se plaindre parce qu’ils ont plus de vacances que les autres corps de métiers. J’ai entendu cet argument au moins dix fois, mais soyons honnêtes : l’enseignement est un métier difficile. Un enfant seul est mignon et inoffensif, mais lorsque vous en regroupez plusieurs, vous obtenez une force apte à dissoudre en un rien de temps le plus robuste des adultes.

C'est pour ça qu'on les compare si souvent aux piranhas.

C’est pour ça qu’on les compare si souvent aux piranhas.

Alors comment s’y prend-on pour faire comprendre aux petits monstres qu’un jour la société leur sera presque aussi cruelle qu’ils le sont aujourd’hui entre eux ? Et bien chaque enseignant a sa méthode, et c’est là que ça peut devenir très, très moche.

Parce que finalement, c’est comme tout : il y a des extrêmes. Vous avez ceux qui s’en tiennent à des mises en garde théoriques et ceux qui croient à la pratique, qui estiment qu’il n’y a qu’avec un scorpion dans les sous-vêtements que l’on peut réaliser à quel point la vie est mieux sans scorpion dans les sous-vêtements.

Ce qui, comme vous l’imaginez, pose encore plus problème lorsque cela concerne les enfants.

Leçon numéro 1 : la nature est cruelle

Notre histoire se déroule à la Plant City High School, en Floride, et commence de la plus belle des manières, avec la naissance d’une portée de bébés lapins tout mignons.

Un internaute se doit de saisir chaque occasion d'entrer « bébé lapin » sur Google Image.

Un internaute se doit de saisir chaque occasion d’entrer « bébé lapin » sur Google Image.

Tout se passa bien au début et la famille Jeannot fit le bonheur d’une classe d’ados, mais après deux jours la bonne humeur retomba lorsqu’il ne fit plus aucun doute qu’une paire de malheureux lapereaux étaient délaissés par leur mère. C’est là que Jane Bender, enseignant l’agriculture dans cette école depuis près de trente ans, entre en scène, avec sa pelle.

Jane saisit la balle au bond : pour elle, c’est une belle opportunité de montrer à ses élèves que la nature ne fait pas de cadeaux ; creusant un trou quelque part, elle ordonne aux enfants d’y enterrer les animaux condamnés. Les élèves n’auraient pas été plus terrifiés si elle avait commencé à creuser leurs propres tombes, ils paniquent, proposent de nourrir les lapereaux au biberon, chose qui, convenons-en, paraît plus sensée que pousser des enfants à enterrer des petits animaux vivants. Refus. Les élèves n’en démordent pas : pour je ne sais quelle raison, aucun ne se porte volontaire pour boucher le trou.

J'aurais pourtant pensé que toutes les classes au monde comptaient au moins un jeune psycho qui serait ravi qu'on lui donne le droit d'enterrer des animaux vivants.

J’aurais pourtant pensé que toutes les classes au monde comptaient au moins un jeune psycho qui serait ravi qu’on lui donne le droit d’enterrer des animaux vivants.

Colère, Mme Bender achève les petites bêtes à coups de pelle pendant que les enfants épouvantés supplient, éclatent en sanglots, tremblent comme des feuilles ou vomissent. Mais la leçon a porté : ils se souviendront toute leur vie que la nature peut être cruelle, surtout lorsqu’elle inclut de rudes enseignantes d’agriculture.

Lorsque plus tard les petits racontèrent leur journée à leurs parents, ces derniers adressèrent leurs plaintes à l’école et Jane Bender fut inculpée pour cruauté envers les animaux. Honnêtement, je dirais qu’elle a été plus cruelle envers les enfants que les animaux, mais bon, on ne va pas l’accabler non plus ; elle-même admet avoir pris une mauvaise décision ce jour-là, et il est permis d’espérer que plus jamais elle ne forcera d’enfants à assister à ses mises à mort d’animaux sans défense.

Leçon numéro 2 : les fusillades dans les écoles, ça arrive

Murfreesboro, Tennessee, des enseignants et un assistant principal décident de planifier à l’attention de leurs élèves une bonne blague qui serait dans le même temps une leçon éducative et un exercice de sécurité.

Ainsi que le début d'une longue succession de cauchemars pour les années à venir.

Ainsi que le début d’une longue succession de cauchemars pour les années à venir.

Au terme d’un camp d’école, alors que les élèves de dix à douze ans étaient rentrés d’une excursion nocturne et s’apprêtaient à se coucher en vue du retour planifié au lendemain, leurs accompagnants firent le tour des dortoirs en expliquant qu’une fusillade avait éclaté dans les environs et que le tireur était actuellement en liberté, probablement dans le périmètre. Il fut ordonné aux enfants de se cacher sous les lits et les meubles de leurs chambres, lumières éteintes, volets clos et portes verrouillées, le temps que le danger soit écarté.

D’interminables minutes s’égrainèrent ainsi, dans un silence uniquement troublé par les sanglots des enfants, les bips de leurs portables tandis qu’ils écrivaient à leurs parents et les poignées des portes frénétiquement activées par un enseignant rôdant dans les couloirs pour ajouter une petite dose d’ambiance.

Dans le même ordre d'idée, séquestrer un enfant trois jours dans une cave devrait le dissuader de monter dans une voiture inconnue.

Dans le même ordre d’idée, séquestrer un enfant trois jours dans une cave devrait le dissuader de monter dans une voiture inconnue.

Rapidement, les organisateurs mirent fin au canular et expliquèrent aux enfants blêmes de terreur qu’il n’y avait pas de fou dans le périmètre à part eux ; ensuite de quoi ils leur firent un petit topo sur ce qui se serait passé si la situation avait été réelle avant de leur souhaiter une bonne nuit.

Cependant, vous apprendrez que la blague ne fut pas du goût de tout le monde, à plus forte raison que cette histoire se déroula à peine un mois après la terrible fusillade de Virginia Tech qui avait fait trente-trois victimes. Aussi, les parents se trouvèrent devant une question importante : que fait-on lorsque l’on réalise que les esprits malléables de nos enfants sont confiés aux bons soins de personnes manifestement totalement dépourvues de sens commun ?

À terme, les dirigeants de l’école organisèrent une séance probablement houleuse au cours de laquelle ils expliquèrent leurs intentions premières aux parents et s’en excusèrent, reconnaissant que leurs éducateurs avaient émis un « mauvais jugement ».

Vous savez, un peu comme le capitaine du Costa Concordia.

Leçon numéro 3 : ceci est mon sang

La petite enfance consiste à découvrir petit à petit les mystères de l’existence et à poser des questions embarrassantes aux parents. Tout n’est que nouveautés et expériences, il ne se déroule pas une journée sans qu’en soit retiré un riche enseignement.

Par exemple, le petit Hugo ici à l'image vient de découvrir que le fils du voisin est un affreux.

Par exemple, le petit Hugo ici à l’image vient de découvrir que le fils du voisin est un affreux.

Bien sûr, il convient d’apporter aux enfants les réponses à leurs innombrables questions, ce qui n’est pas toujours facile. Lorsque, par exemple, votre petiot entend aux nouvelles qu’un grave délit à caractère sexuel s’est déroulé dans le canton du Valais, il faut bien prendre sur vous et lui expliquer ce qu’est le Valais.

Aussi, lorsque des enfants de trois à six ans manifestèrent leur curiosité sur la question du sang dans une garderie en Norvège, une éducatrice prit sur elle et se pointa le lendemain avec un tube contenant un échantillon de sa propre hémoglobine.

Il ne faut pas contrarier la curiosité de nos cadets.

Encore un mardi banal dans une école norvégienne

C’est ainsi que les élèves d’une classe de tout petits se retrouvèrent à jouer avec le sang de leur enseignante, se passant l’échantillon, touchant et même, dans un cas, goûtant.

Heureusement sans conséquence.

Heureusement sans conséquence.

Vous voyez, c’est exactement pour ce genre d’histoires qu’on répète à tout bout de champ qu’il ne faut pas confondre pré-scolarité et cinéma d’épouvante ; sitôt prévenus, les parents, horrifiés, exigèrent de la direction que désormais, les cours n’impliquent aucun fluide corporel de quelque sorte que ce soit, chose qu’ils n’avaient pas pensé à demander avant d’inscrire leurs enfants. Ces gens sont irresponsables.

Quant aux jeunes, ils en furent quittes pour quelques tests médicaux tandis que l’éducatrice s’en allait pointer au chômage.

Leçon numéro 4 : il faut écouter en classe

Un adolescent, c’est plus ou moins un enfant qui a cessé d’être curieux. Dans son vocabulaire, le mot « pourquoi » a été remplacé par « j’m’en fous » et il n’existe aucun moyen légal de l’intéresser à quoi que ce soit qui sorte de son champ d’intérêts.

Et comme les systèmes éducatifs n’ont pas – encore – décidé que la musique, la télé et le sexe seraient désormais les seules matières au programme des élèves de dernière année, les enseignants se retrouvent avec la tâche herculéenne de maintenir un niveau de concentration acceptable au sein d’une bande de petits démons imprévisibles.

« Aujourd'hui nous allons reprendre l'analyse de

« Aujourd’hui nous allons reprendre l’analyse de « I like big butts », ensuite de quoi nous parlerons des alcopops. »

Manueal Ernest Dillow, enseignant de Virginie âgé de 61 ans, avait son idée sur la question. Un beau jour d’avril 2012, alors que ses élèves s’étaient fondus en un magma de bruit et de fureur comme à leur habitude, il poussa sa gueulante et ordonna aux ados de se lever et de se placer en file indienne ; une fois ceci fait, il se plaça devant eux, dégaina promptement un pistolet chargé à blanc et en vida le chargeur en pointant l’arme sur les enfants.

Aussitôt, bien entendu, la salle de classe prit des allures de volière perturbée par l’irruption d’un renard ; les élèves plongèrent de tous les côtés dans une cacophonie indescriptible, s’abritant les uns derrière les autres, se bousculant et renversant les tables avant de constater que personne n’était blessé et, j’imagine, accorder leur entière et complète attention à leur digne mentor jusqu’à la fin du cours.

Toutefois, faut-il le préciser, les choses n’en restèrent pas là. Pour quelque raison, vider une arme, même factice, sur un enfant est un acte encore mal perçu aux États-Unis. Dillow plaida coupable et fut suspendu pour cinq ans. À son âge, j’imagine que la sentence équivaut à un souhait de bonne retraite.

Leçon numéro 5 : l’holocauste, c’est mal

Il y a des choses qu’il faut expérimenter soi-même pour en saisir la signification, des difficultés ou des épreuves dont la pleine portée n’apparaît pas tant qu’on n’y a pas été mêlé. L’holocauste n’en fait pas partie.

Honnêtement, fourrer des millions de gens dans des wagons à bestiaux et les acheminer vers une mort violente pour des crimes qu’ils n’ont pas commis n’est pas exactement un acte anodin dont l’inhumanité nous échappe. Ce n’est du reste pas pour rien si notre société ne jauge le Mal qu’à l’aulne des nazis.

Dès lors, si l’on peut applaudir la volonté de certaines écoles de mettre à leur programme les tristes leçons de cette sinistre période de l’Histoire, on signalera quand même qu’il n’est pas nécessaire d’en faire des caisses : ils comprendront. Ils ne sont pas stupides.

« Allez les jeunes, juste quelques petites heures de voyage, comme ça vous saurez ! »

« Allez les jeunes, juste quelques petites heures de voyage, comme ça vous saurez ! »

Manifestement, ce n’est pas l’avis d’une école d’Apopka, en Floride. Pour sensibiliser les élèves aux horreurs de la solution finale, la direction de l’établissement décida d’instaurer une « Journée de l’Holocauste » au cours de laquelle certains élèves se verraient remettre une étoile jaune à arborer. Tout le jour durant, ils seraient traités à part, forcés à se tenir debout au fond des classes ou interdits d’accès à certaines fontaines à eau, apparemment parce que ça se passait exactement comme ça dans les camps.

Un des élèves rapporte qu’un membre du personnel l’a forcé à refaire quatre fois d’affilée la queue à la cafétéria pour avoir son repas. Lorsque son père lui demanda à son retour pourquoi il pleurait, il répondit que c’était parce qu’on l’avait forcé à être un Juif. C’est du reste la leçon qu’il dira avoir retenue de la journée : il ne voulait pas être juif. Vous voyez, ça rentre !

Lorsque des dizaines de parents atterrés contactèrent les membres du personnel de l’école pour leur demander s’ils n’étaient pas un peu cons, ceux-ci s’excusèrent et promirent de faire les choses différemment à l’avenir. Ils ne furent pas inquiétés plus que ça, mais comme ils passèrent pour des idiots dans tout le pays, on peut espérer qu’ils auront retenu leur leçon, puisqu’ils semblent si portés sur l’importance du vécu.

Quant à la communauté juive locale, elle déclara que si elle remerciait l’établissement de chercher à sensibiliser ses élèves à la question de l’Holocauste, elle n’encourageait pas les enseignants à mettre en pratique des travaux de simulation. Et personnellement, je pense qu’on serait en droit d’espérer qu’une telle idée aille de soi pour des enseignants à qui l’on confie une partie de l’éducation de nos enfants.